2019
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Franciscus Verellen, « L’ouverture du chenal de la Puissance céleste sous la Chine des Tang : artifice magique ou poudre noire ? », Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, ID : 10.3406/befeo.2019.6301
Le chenal de la Puissance céleste, achevé en 868, fut un singulier exploit de l’ingénierie hydraulique de la Chine des Tang. Coupant la péninsule du Jiangshan sur la côte nord du golfe du Tonkin, le couloir permit de relier deux escales de la ligne de cabotage maritime essentielle à l’approvisionnement et au commerce maritime entre l’empire Tang et son protectorat général d’Annan. L’architecte de l’ouvrage, le protecteur général Gao Pian (822-887), fut un acteur éminent de la scène militaire et politique de la seconde moitié du IXe siècle. Commandant chevronné au crépuscule de la dynastie, Gao fut aussi le bâtisseur des citadelles médiévales de Hanoï et de Chengdu, un poète talentueux et un esprit curieux versé dans l’art de l’alchimie taoïste et les procédés militaires ésotériques. Le récit le plus circonstancié qui nous soit parvenu du creusement du chenal de la Puissance céleste est l’inscription sur stèle de la main de Pei Xing (env. 825-env. 880), auteur du recueil de narrations taoïstes Traditions singulières et rédacteur chargé des documents officiels et des communications militaires auprès de Gao Pian. Témoin des faits et confident de Gao, Pei fit savoir que le général mobilisa les forces du tonnerre et de la foudre, objets d’un culte répandu dans la région, pour creuser la brèche décisive dans la formation rocheuse qui ouvrit le chenal. D’autres sources de l’époque rapportent que Gao se servit d’un stratagème inédit pour produire un « simulacre » de tonnerre. Le présent article avance l’hypothèse selon laquelle l’exploit fut l’oeuvre des alchimistes, fort présents dans l’entourage de Gao, confrérie à qui l’on doit l’invention de la poudre noire dans la Chine du IXe siècle, concomitamment au développement des rites taoïstes dits de la « magie du tonnerre ».