2012
Copyright PERSEE 2003-2023. Works reproduced on the PERSEE website are protected by the general rules of the Code of Intellectual Property. For strictly private, scientific or teaching purposes excluding all commercial use, reproduction and communication to the public of this document is permitted on condition that its origin and copyright are clearly mentionned.
Françoise Bostyn et al., « Une occupation singulière du Néolithique moyen II à Courrières (Pas-de-Calais) », Bulletin de la Société préhistorique française, ID : 10.3406/bspf.2012.14174
Un diagnostic archéologique réalisé sur la commune de Courrières (Pas-de-Calais) a livré en limite d’emprise, deux fosses circulaires de 0,7 m de diamètre et peu profondes (0,2 m), distantes l’une de l’autre de 3,5 mètres. Malgré l’ouverture d’une fenêtre de 225 m2 autour de ces structures et la réalisation d’un décapage sur 11 ha sur une occupation hallstattienne à proximité, aucune autre structure attribuable au Néolithique moyen n’a été retrouvée. L’intérêt de cette découverte est lié au mobilier particulier livré par ces fosses. Dans la première, le mobilier archéologique se composait d’une céramique au décor original associée à deux artefacts en silex de Spiennes et à de nombreux restes de pommes ; dans la seconde, un vase écrasé sur place malheureusement mal conservé n’a pas pu être remonté, mais il présentait un profil identique à celui de la fosse voisine sans toutefois porter de décor. Les comparaisons technologiques de la céramique, en particulier dans le dégraissant associant silex et mousse, montrent des affinités avec le groupe de Spiere ; du point de vue typologique, la forme carénée trouve des éléments de comparaison sur le site proche de Liévin ; par contre, le décor d’impressions circulaires organisées en triangle renversé placé au niveau de la jonction col/ panse et associé à des lignes disposées en «V » qui semblent s’organiser à partir des anses à perforation verticale, reste plus original. En effet, si les motifs et les techniques décoratives sont connus dans les univers chasséen et michelsberg, leur association et leur organisation sur un même vase ne trouve pas d’éléments de comparaison stricts. Les deux artefacts en silex de Spiennes (Belgique) sont un grattoir sur lame de près de 10 cm de long et un fragment de hache polie retaillée dont la largeur minimale conservée de 6,5 cm permet d’envisager un outil à l’origine très grand (30 cm) qui est issu des productions spécialisées. Ils illustrent le dynamisme des réseaux de distribution d’objets finis sélectionnés (lames et haches) depuis la minière à silex. Une analyse fonctionnelle réalisée sur le grattoir montre une multiplicité et une diversité des usures qui renforcent son statut particulier. La bonne conservation de nombreux macrorestes, probablement contenus dans les vases, et parmi lesquels dominent les pommes présentes sous la forme de fruits entiers, de trognons, de pépins, de fragments de chair et de peau, constitue un autre aspect important de cette découverte et affermit le caractère particulier de ces fosses. L’attribution au Néolithique moyen II, proposée au vu du mobilier archéologique, s’est vue confirmée par deux dates 14C, qui place très probablement l’occupation au tout début du IV e millénaire avant notre ère. La question de la fonction de ces fosses est nettement plus problématique et est discutée : s’agit-il de simples rejets domestiques qui seraient alors peu abondants et sélectionnés ou s’agit-il de structures funéraires mal conservées, en particulier en raison de la dissolution des ossements en milieu limoneux ? l’hypothèse d’une fonction plus symbolique est aussi envisagée, mais l’absence d’élément de comparaison, en particulier la méconnaissance de pratiques funéraires de cet horizon chronologique dans le nord de la France, ne permet pas de statuer définitivement. Néanmoins, cette découverte, même si elle peut paraître limitée, apporte de nouvelles informations dans une région où les fouilles récentes attestent désormais de la présence de nombreuses enceintes à côté desquelles celle de fosses pose la question de l’existence d’habitats ouverts voire même celle d’autres modalités d’occupation de l’espace. Envisager une structuration de l’espace occupé et une possible hiérarchisation des sites, à l’image de ce qui est connu dans les régions voisines, devient donc possible dans le nord de la France.