2017
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Sylvain Ducasse et al., « Les Pyrénées au cours du Dernier Maximum Glaciaire. Un no man’s land badegoulien ? Nouvelles données sur l’occupation du piémont pyrénéen à partir du réexamen des industries solutréennes de l’abri des Harpons (Lespugue, Haute-Garonne) », Bulletin de la Société préhistorique française, ID : 10.3406/bspf.2017.14773
En France, selon certains scénarios, la zone pyrénéenne apparaît au début du Dernier Maximum Glaciaire (DMG : 23-19 ka cal. BP) comme un espace singulier dont l’histoire culturelle diverge sensiblement des cadres définis plus au nord. Extension solutréenne du domaine vasco-cantabrique avec lequel elles partagent une même identité typo-technologique, les Pyrénées montreraient une perduration de cette tradition culturelle jusqu’au coeur du DMG (circa 21 ka cal. BP), ceci parallèlement au développement du Badegoulien dans les territoires voisins. La rareté, voire l’absence d’occupations badegouliennes sur l’ensemble de la chaîne pyrénéenne traduirait donc, pour certains préhistoriens, l’existence d’une géographie culturelle perceptible à l’échelle du Sud-Ouest français. Pourtant, alors que les données radiométriques sur lesquelles repose une partie de cet argumentaire sont aujourd’hui largement discutées, la grande ancienneté des fouilles menées sur les séquences pyrénéennes contemporaines du DMG ainsi que l’impact des processus géomorphologiques sur la conservation de ces séquences suggèrent l’existence de biais importants au sein de la documentation disponible. Tenant compte de ces biais et guidé par certains indices jusqu’alors peu exploités, plusieurs collections clés – à l’image de la couche D des Harpons (Lespugue, Haute-Garonne) – ont fait l’objet d’une révision collective et interdisciplinaire dans le cadre du projet «SaM » . Fouillé par R. de Saint-Périer entre 1912 et 1930, cet abri livre l’une des séquences les plus longues des gorges de la Save, comprise, a minima, entre le Solutréen et l’Azilien. Au début des années 2000, les industries de la couche D, alors rapportées au Solutréen supérieur par le fouilleur, firent l’objet d’une première réévaluation menée par deux d’entre nous (P. F. et C. S. J.-F.). Cette étude apporta de nouveaux éléments de caractérisation du Solutréen pyrénéen, tout en démontrant l’hétérogénéité de l’assemblage. Or, tandis que cette hétérogénéité restait circonscrite au Solutréen sensu-lato, la description de plusieurs «raclettes typiques » , couplée à l’existence de mesures 14C SMA peu ou prou compatibles avec celles du Badegoulien nord-aquitain, ont motivé la mise en place d’un projet de réexamen des collections de la couche D des Harpons. Celui-ci avait pour objectifs de 1) confirmer la présence d’éléments badegouliens au sein de la série, 2) conduire une approche technologique de la composante solutréenne afin de compléter les données déjà acquises, 3) rechercher d’éventuels indices de chacun de ces technocomplexes au sein de l’équipement osseux et, sur cette base, 4) offrir un cadre radiométrique «raisonné » à partir de la datation directe de déchets techniques caractéristiques. Ce travail nous a permis de confirmer l’hétérogénéité de l’assemblage et d’en élargir l’étendue : aux vestiges solutréens se mêlent des éléments magdaléniens, gravettiens et, de manière aujourd’hui indiscutable, badegouliens. Si l’état des séries, triées à la fouille par R. de Saint-Périer, reste un frein à la caractérisation précise de cette composante post-solutréenne, nos travaux permettent de contredire l’idée que les Pyrénées constituaient un no man’s land badegoulien, du moins pour ses phases récentes. Soutenu par de nouvelles datations mises en lien avec les données les plus fiables disponibles pour le Sud-Ouest français, un cadre archéostratigraphique alternatif est proposé, vieillissant le terme des occupations solutréennes régionales. Ces premiers résultats, appelant des prolongements et compléments évidents, nous conduisent in fine à réinterroger, en France, la nature et le rythme de la transition solutréo-badegoulienne hors de la zone de définition classique de ces deux traditions culturelles.