2007
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Claudio Galderisi, « Re-creare Troiam. Du poète roman au romancier français », Cahiers de Civilisation Médiévale, ID : 10.3406/ccmed.2007.2963
La question de la poésie et du récit est en grande partie celle du vers et de la prose, du chant et de la narration, puis, selon une inversion qui constitue une des deux spécificités des lettres françaises avec l'invention du roman, elle devient celle du glissement du récit vers la lecture individuelle, et du chant vers le dit, au fur et à mesure que le divorce entre poésie et musique est consommé dans les œuvres. C'est en cherchant à recréer Troiam en Brocéliande, que le poète roman s'est métamorphosé en romancier français ; l'esthétique de l'explicite, propre à la prose médiévale française, a fini par abolir le temps du mystère et par saturer les interstices nécessaires au poétique. La critique a souvent insisté sur le processus de structuration seconde du roman. Mais d'un point de vue strictement poétique, le roman apparaît à la fois comme le signe et le moteur de la première véritable discontinuité entre les belles lettres et les « lettres gothiques ». C'est de cette rupture que découle une redéfinition du panorama littéraire français et, en fin de compte, la spécialisation esthétique de la prose et du vers : le divorce formel entre récit et poésie à l'intérieur de l'espace esthétique du roman, et leur indissolubilité dans celui de la poésie.