1999
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Nicolas Martin-Granel, « Malaise dans le patrimoine », Cahiers d'Études africaines, ID : 10.3406/cea.1999.1762
Symptôme d'une post-modernité en quête d'un ancrage ancestral regénérateur de valeurs perdues, le patrimoine est une notion consensuelle, tentaculaire, s'étendant dans tous les domaines et dans tous les sens. Pour prendre la mesure de cette extension, il n'est besoin que de feuilleter la presse parisienne sur une période limitée (fin 1996-début 1997) : le patrimoine est impliqué, directement ou indirectement, dans nombre de débats, d'« affaires », petites ou grandes ; légitimant l'idée d'un monde peuplé d'authenticités menacées, il est source de paradoxes, d'ambiguïtés et de malentendus. Importé en Afrique comme le volet culturel de la politique africaine de la France, repris par les intellectuels et les politiques soucieux de construire ou de réconcilier la nation, il se voit détourné de sa vocation culturelle et même retourné contre son idéal unitaire : il propose plusieurs versions de la réalité, indéfiniment réenracinée. Dès lors, la patrimonialisation d'un pouvoir supposé ethniciste n'est plus seulement économique mais aussi bien artistique, mémorielle, religieuse, tribale, voire génétique. Le cas du Congo, évoqué ici en filigrane, est exemplaire de ce malaise.