1995
Copyright PERSEE 2003-2023. Works reproduced on the PERSEE website are protected by the general rules of the Code of Intellectual Property. For strictly private, scientific or teaching purposes excluding all commercial use, reproduction and communication to the public of this document is permitted on condition that its origin and copyright are clearly mentionned.
Véronique Perrin, « « Ôjôden » une légende de la bonne mort », Ebisu - Études Japonaises, ID : 10.3406/ebisu.1995.951
A la fin de la période de Heian, des nobles lettrés, familiers des moines du mont Hiei et d'abord de Genshin, qui posa les fondements de la doctrine amidiste au Japon, inaugurèrent un nouveau genre de littérature religieuse en compilant les vies de moines et de simples croyants dont on pouvait être assuré qu'ils avaient accompli une bonne mort et qu'ils étaient allés renaître dans la Terre Pure du Buddha Amida. Destinés à édifier le peuple, présentés comme un complément pratique de la théorie élaborée par Genshin, ces textes se sont-ils contentés de remplir leur mission pieuse ? Un écart se creuse à mesure que s'épaissit le corps de la légende qui parle aussi du souci qu'ont les hommes de construire leur propre mort, c'est-à-dire de la rendre actuelle dans cette vie même. Au bout de la lignée des ôjôden proprement dits, dans l'immense réservoir des « Histoires qui sont maintenant du passé », des liens inattendus se tissent entre les morts exemplaires et les affaires vulgaires de ce monde. Comment parler de la mort si ce n'est en la replaçant dans le quotidien, domaine qui passe inaperçu à force d'être trop visible ? Le romancier Furui Yoshikichi explore, par les moyens de la fiction, les détours en apparence les plus anodins d'une pensée qui, loin de s'élancer une fois pour toutes, guidée par des images, vers les promesses de l'au-delà, revient sans cesse buter sur la difficulté de simplement tenir pour certain l'événement en question. Le rêve, l'impasse, le temps sont parmi d'autres les mots clés d'une « pseudo-légende » que nous confronterons avec les recueils anciens, qui l'ont inspirée, et puis quelques récits modernes. Car la légende continue.