2014
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Marjorie Meiss-Even, « Le noble centaure. Une approche sociale et symbolique des harnachements équestres de la Renaissance française », Europa Moderna. Revue d’histoire et d'iconologie, ID : 10.3406/emod.2014.862
Selles de velours, caparaçons brodés, harnais cloutés d'or émaillé, mors d'orfèvrerie... Dans la France du XVIe siècle, bien des chevaux portèrent sur eux la fortune de leurs cavaliers. Les nobles de la Renaissance ne reculaient en effet devant rien pour rehausser la beauté naturelle de leurs montures achetées à grands frais en Italie, en Espagne ou en Afrique du Nord. Les harnachements étaient alors le support d'un déploiement des formes ornementales à la mode, comme en attestent les représentations iconographiques (cf. certains des dessins de Primatice ou de Nicolo dell'Abate) ainsi que les étriers, plaques de selles et bossettes conservés notamment au Musée national de la Renaissance et au Musée de l'Armée. Si le répertoire ornemental de ces objets renvoie bien sûr aux courants esthétiques du temps, il a aussi contribué à projeter les cavaliers dans un univers symbolique renouvelé. L'omniprésence des motifs inspirés par la culture humaniste a rattaché la noblesse cavalière au registre de l'héroïsme antique, sur un mode semblable à celui des armures de parade ornées de figures mythologiques qui servirent de «seconde peau symbolique » aux gentilshommes de l'ère moderne (cf. Amedeo Quondam, Cavallo e cavaliere, 2003). Les harnachements des chevaux connaissaient en outre le même envahissement emblématique que les plafonds des châteaux et les parterres des jardins. Dans le cas des chevaux, chiffres et emblèmes venaient redoubler la marque appliquée au fer rouge sur la croupe de l'animal. Ils participaient ainsi à la projection emblématique de la noblesse, dans une double perspective d'affirmation lignagère et individuelle. L'article s''attache ainsi à étudier un type d'objets peu évoqué dans la littérature relative aux arts décoratifs au regard de son importance dans une culture nobiliaire éminemment équestre. Il insiste en outre sur la nécessité de penser les objets dans leur rapport au corps de celui qui les manipule et, en l'occurrence, au corps de l'animal qu''ils revêtent.