1982
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Jean-Luc Lory, « Les jardins Baruya », Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, ID : 10.3406/jatba.1982.3875
Les deux vallées occupées par les Baruya offrent un paysage similaire où de grandes zones se différencient clairement. Au fond de la vallée, le long des rivières, alternent les tarodières inondables avec les champs de cannes à sel. Plus haut, on trouve les villages entourés du réseau des jardins domestiques. Encore au-dessus se dessinent les mosaïques complexes des jardins où prolifèrent taros et patates-douces, dans un entrelac de parcelles attribuées selon la parenté des propriétaires du sol et aux membres du groupe d'entraide requis pour les tâches de mise en culture. Enfin, ultime niveau cultivé, celui des grands jardins de taros qui jouxte le domaine des brousses de chasse. Ces immenses jardins, les plus éloignés des lieux habités, regroupent souvent les habitants de plusieurs villages. Ilôts cultivés dans la forêt, les travaux de défrichage de ces unités de culture donnent lieu à des entreprises collectives valorisées cérémoniellement. Ce terroir ne laisse apparaître aucune inégalité frappante quant à sa distribution. Les terres de chacun des clans forment des franges verticales qui recouvrent en partie les divers sites de culture. Ainsi chaque individu peut être propriétaire de jardins ou de parcelles des différents types, il a donc accès à la totalité de l'éventail des ressources produites sur le terroir. Nul individu ou groupe d'individu, de par son statut, sa fonction, par son appartenance clanique ou lignagère n'est le détenteur de droits particuliers en rapport avec la mise en culture de la terre ou la récolte des produits. L'impératif d'accorder les différents cycles de défrichage aux divers genres de production et de milieu ne peut être respecté si le producteur peut compter sur une force de travail et une diversification dans la répartition des lopins cultivés qui dépassent les capacités de la famille étendue ou du lignage d'ego. Enfin, la conservation, le maintien du stock et la circulation des boutures de taro qui pourraient faire l'objet d'une compétition et d'une appropriation « à forme autoritaire » sont en fait régis par un code spécifique dont la nature s'apparente au mode d'échange direct ou restreint des femmes, forme de mariage qui sert de référence aux alliances des membres de la tribu.