1973
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Xavier Tilliette, « La nouvelle image de l'Idéalisme allemand », Revue Philosophique de Louvain, ID : 10.3406/phlou.1973.5721
Jusqu'à une date récente a prévalu une conception « dynastique » de l'Idéalisme allemand : Schelling héritier et continuateur de Fichte, l'un et l'autre gouvernés et achevés par Hegel. Cette image, courante encore dans les manuels, a trouvé d'éloquents interprètes, qui ont confectionné une sorte de schéma classique pour une représentation interne du postkantisme : idéalisme transcendantal, idéalisme objectif, idéalisme absolu. Elle a l'inconvénient de tronquer la présentation de Fichte et de Schelling, réduits à une partie de leur œuvre, et d'oublier qu'ils ont développé tous deux une « seconde philosophie », qui essaie chaque fois de répliquer au rival triomphant. En outre elle est faite sur mesure de la philosophie hégélienne et elle correspond à l'interprétation dictée jadis par Hegel lui-même et ses disciples immédiats. Or cette durable image est en train de s'effriter. Ou plutôt elle devient mouvante, elle s'assouplit. Non pas que Hegel subisse une éclipse, au contraire, ni que l'on conteste son hégémonie historique. Mais un intérêt croissant s'attache aux philosophies de Fichte et de Schelling, surtout à leurs philosophies tardives mal connues; et, de ce fait, c'est la suprématie intellectuelle de Hegel qui est contestée, on fait droit aux instances de son plus illustre contradicteur ; de même celui-ci, dans sa première période, reste vulnérable à la critique de Fichte. Il reste que Schelling est probablement le principal bénéficiaire du procès en révision de l'Idéalisme allemand, comme l'atteste l'audience qu'il a eue auprès de Jaspers et, plus encore, de Heidegger. La présence persistante de l'Idéalisme dans la postérité postidéaliste, signalée par Walter Schulz, laisse bien augurer de ses destins ultérieurs et de l'avenir de la métaphysique spéculative.