1996
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Sébastien Barbé et al., « La stabilisation russe en 1995 : le pari de l'ancrage par le change », Revue d'études comparatives Est-Ouest, ID : 10.3406/receo.1996.2788
En 1995, le principal instrument de stabilisation monétaire en Russie fut le taux de change. En effet, depuis juillet 1995, les mouvements de la monnaie russe sont encadrés dans une borne de fluctuation dont les limites furent 4 300 et 4 900 roubles pour un dollar au deuxième semestre 1995, puis 4 550 et 5 150 roubles pour un dollar depuis le 1er janvier 1996. La carence d'instruments de régulation monétaire - taux directeurs inopérants, retrait de la Banque centrale des procédures d'appel d'offre, augmentation importante des réserves obligatoires - a fait du taux de change l'un des seuls intruments opératoires de la désinflation. Cette politique repose sur une structure spécifique de marchés des changes étroitement contrôlés par la Banque centrale : il existe, d'une part, des marchés boursiers où se détermine le taux de change de référence du rouble et, d'autre part, un marché interbancaire de gré à gré où s'effectuent 80 % des transactions. Le corridor du rouble a été jusqu'ici un franc succès : il a permis de stabiliser les anticipations et a donc eu sa part dans la désinflation continue de la seconde moitié de l'année 1995. Le respect du "corridor" a pu se faire sans modification importante du niveau des réserves de change : elles sont restées stables au niveau de 7,5 milliards de dollars depuis le mois de juillet. Mais cette politique comporte également certains risques, qui peuvent la rendre insoutenable à terme. D'une part, l'appréciation réelle de la monnaie russe réduit la compétitivité des exportations. Certes, pour le moment, la balance commerciale ne souffre pas de l'ancrage du rouble puisqu'elle continue à afficher un excédent important. Mais, la surévaluation de la monnaie peut entraver le développement d'une industrie de transformation (dont la production continue à plonger actuellement) qui seule assurerait une croissance viable à la Russie. En ce qui concerne la politique monétaire, le manque d'instruments de contrôle de la liquidité bancaire et la présence d'une épargne dormante estimée à 20 milliards de dollars vouent à l'échec les tentatives de stérilisation de la Banque centrale sur le marché des changes. L'ancrage implique une hiérarchisation des objectifs, l'objectif de change subordonnant désormais les objectifs purement monétaires. Mais, surtout, l'ancrage n'a entraîné qu'une modification conjoncturelle de la demande de monnaie. Pour assurer un retour vers le rouble, cette politique - certes nécessaire - ne sera pas suffisante tant que le système bancaire, fragile et pléthorique, ne suscitera pas la confiance des déposants. A ce titre, la politique de change, aussi rigoureuse et bienvenue soit-elle, ne dispense pas de conduire une vaste refonte structurelle du système financier russe.