1997
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Azadeh Kian-Thiébaut, « Stratégies des intellectuels religieux et clercs iraniens face à la modernité occidentale », Revue française de science politique, ID : 10.3406/rfsp.1997.395219
Deux courants principaux de la pensée religieuse, composés aussi bien d'intellectuels religieux que de clercs, s'affrontent en Iran sur la possibilité et la nécessité d'une adaptation de la religion à la modernité : les traditionalistes réfutent les idées issues de la modernité occidentale les qualifiant d'incompatibles avec l'islam, les modernistes tentent de concilier l'islam avec la modernité. Cet affrontement trouve ses origines dans la révolution constitutionnelle de 1906, quand le plaidoyer des intellectuels laïcs pour la démocratisation des structures politiques s'est mué en idéologie politique d'un mouvement social, provoquant la division du clergé entre pro et anticonstitutionnalistes. En dépit de l'échec du constitutionnalisme, ce débat concernant la construction d'un modèle politique islamique s'est poursuivi face aux États modernisateurs autoritaires dont les politiques de laïcisation et d'acculturation occidentale pouvaient représenter une menace pour la religion. La loi constitutionnelle et le système politique de la République islamique issus de la révolution de 1979 incarnent ces visions contradictoires : une autocratie religieuse est unie à un dispositif électoral dans une configuration plus proche du modèle de la démocratie occidentale que des traditions islamiques. L'instrumentalisation de l'islam comme idéologie politique de l'État a conduit en retour à la sécularisation de la religion en construisant un champ politique qui compromet le sacré dans le profane. Cette articulation entre le religieux et le politique a permis aux citoyens, en se saisissant du politique, d'intervenir dans le champ religieux pour revendiquer son adaptation à la réalité d'une société moderne. Elle a ouvert aux intellectuels religieux et clercs modernistes la possibilité de réclamer /'aggiorna-mento de la pensée religieuse.