1984
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Mireille Hadas-Lebel, « Jacob et Esaü ou Israël et Rome dans le Talmud et le Midrash », Revue de l'histoire des religions, ID : 10.3406/rhr.1984.4240
Cet article part d'un paradoxe exégètique. Alors que les Juifs s'opposent à la puissance romaine, apparaît (probablement dans l'école d'Aqiba, vers + 132) l'idée qu'Israël et Rome sont frères car ils sont issus de Jacob et d'Esaü. Telle est l'origine du surnom le plus courant de Rome (Esaü-Edom), laquelle est appelée aussi dans les sources rabbiniques « l'empire scélérat ». L'exégèse des chapitres XXV-XXVII de la Genèse subit le contrecoup de l'identification d'Esaü avec Rome. L'infériorité morale du fils aîné d'Isaac est fortement accentuée et les vices qu'on lui prête sont ceux que l'on reproche traditionnellement à Rome. C'est cependant lui qui détient la puissance matérielle en ce monde : entouré de ses chefs (comme en Gen. XXXVI), il règne par l'épée, ce qui pose le douloureux problème de la rétribution. Le fondement de l'identification d'Esaü-Edom avec Rome n'est pas à chercher selon nous dans une quelconque relation avec Hérode, Iduméen ami de Rome, comme on l'a souvent écrit, mais dans les nombreuses prophéties dirigées contre Edom qui assurent Israël d'une revanche en lui promettant que si Esaü possède ce monde, lui, aura le monde futur.