La renaissance de la pensée biologique de Rudolf Virchow dans l'œuvre de Ludwig Aschoff/The rebirth of Rudolf Virchow's biological thought, in the work of Ludwig Aschoff

Résumé En Fr

SUMMARY. — Rudolf Virchow's teaching was challenged by German physicians in the 1920s. Scientific medicine, they argued, did not provide sufficient tools for patient care. They held Virchow responsible for this state of things. According to Ludolf von Krehl, Gustav von Bergmann or Ferdinand Sauerbruch, Virchow fostered a mechanistic trend in medicine which neglected the human dimension in medical practice. These clinicians claimed that scientific medicine should therefore be complemented at the bedside by a teleological approach, taking into account the purposiveness of vital processes. This was the methodological core of the reform that they intended to promote. Many pathologists alike were preoccupied with the reformatory trend launched by the physicians. Ludwig Aschoff, Paul Ernst, Max Borst and Walter Pagel endeavoured to reform the theoretical foundations of their discipline. However, they did not agree with the physicians' view of Virchow's teaching. Aschoff especially showed that Virchow's initial writings provided in fact an epistemological basis supporting the clinicians' endeavour. In this paper, I examine Aschoff 's argumentation. I hope thereby to improve our knowledge of one of the components of the medical reform which took place in Germany during the Weimar period.

RÉSUMÉ. — En Allemagne, la valeur de l'enseignement de Rudolf Virchow était controversée autour des années vingt. Cette controverse était liée à la crise de la médecine clinique qui considérait alors que la méthode scientifique classique développée au XIXe siècle était un outil insuffisant au lit du malade. D'après plusieurs médecins, tels Ludolf von Krehl, Gustav von Bergmann ou Ferdinand Sauerbruch, cette méthode analytique devait être complétée par une approche phénoménologique permettant de rendre compte de l'intentionnalité propre au vivant. Cette approche devait être irréductible à une quelconque méthode analytique. Selon ces cliniciens, l'influence de la pathologie cellulaire de Rudolf Virchow était précisément responsable du développement de la médecine analytique qu'il s'agissait de réformer. Certains pathologistes, tels Ludwig Aschoff, Paul Ernst, Max Borst ou Walter Pagel, partageaient les préoccupations de leurs confrères cliniciens. Contrairement à ces derniers, ils cherchaient cependant à revaloriser l'enseignement de Rudolf Virchow. Aschoff, professeur à Freiburg de 1906 à 1936, était le pathologiste le plus influent de l'époque. Il fit revivre dans bon nombre de ses écrits la pensée biologique développée par Virchow au début de sa carrière, soit entre 1852 et 1856. Cela lui permit de faire renaître les racines de la pensée médicale allemande. Il en dégagea alors le substrat philosophique et biologique permettant de répondre à la crise médicale contemporaine selon les modalités souhaitées par les cliniciens. Cet article montre de quelle manière Ludwig Aschoff a développé son argumentation. Il propose ainsi d'apporter une contribution à l'analyse de l'un des constituants de la réforme de la médecine allemande durant la période de Weimar.