15 octobre 2016
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Patrick Dahlet, « Quand la favela devient ‘comunidade’ : nomination et contrôle social », Argumentation et analyse du discours, ID : 10.4000/aad.2256
L’usage qui s’impose aujourd’hui au Brésil est de ne plus parler de favela mais de comunidade(communauté), au point que si les deux termes sont encore mutuellement et significativement substituables, on peut se risquer à prédire que, dans un proche avenir, favela a toutes les chances d’apparaître comme un non-désignant de la réalité que ce terme a été jusqu’à maintenant chargé de désigner. Pourquoi un tel changement ? On avance ici l’hypothèse que l’accès de la favela au statut linguistique de comunidade, en l’identifiant idéalement à un ensemble de personnes qui s’auto-contrôlent de l’intérieur, naturalise l’occupation du dehors comme dispositif de préservation de cet idéal communautaire, dès lors que l’auto-contrôle attendu ne s’exerce pas. Après avoir localisé la puissance de la désignation dans l’institution du réel, on éclairera les conditions et les effets de seuil du déploiement discursif de la désignation de comunidade, en lieu et place de favela dans les représentations collectives, avant d’analyser comment l’appropriation discursive, médiatique et sociale du désignant comunidadea introduit et consacré une formule – pacificação da comunidade – qui, en effaçant paradoxalement le trait dominant communautaire au profit du sème territoire, reconduit potentiellement toute communauté, quelle que soit sa nature, comme un territoire à pacifier.