18 octobre 2019
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Marc Angenot, « Querelles historiennes sur la Révolution française : l’argumentation par le chiffre des victimes et les polémiques sur la qualification génocidaire », Argumentation et analyse du discours, ID : 10.4000/aad.3585
À partir du Directoire et à travers les 19e et 20e siècles des polémiques récurrentes se sont développées sur le nombre des victimes de la Révolution. Cette argumentation statistique devant les massacres de masse – évidemment très conjecturale – représente une démarche nouvelle issue du traumatisme occasionné par le bouleversement révolutionnaire et la Terreur. Elle engendre une forme contradictoire de pathos qui va devenir un propre de la modernité : un intense sentiment d’horreur refoulé qui ne trouve à s’exprimer que par le biais de « froides » additions de morts anonymes. Quant aux événements de la Vendée, ils suscitent dès 1795 la qualification néologique de « populicide » qui réapparaît en 1945 sous la forme « génocide ». De la Révolution aux guerres des deux siècles modernes, aux conquêtes coloniales et aux massacres de populations entières, historiens, démographes et économistes mais aussi les pacifistes ont repris jusqu’à nous la tâche de chiffrer les morts et d’en tirer argument.