28 février 2018
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Céline Candiard, « Emplois comiques et répertoire moliéresque : enjeux dramaturgiques d’un principe de distribution », Agôn, ID : 10.4000/agon.3179
Si l’on a tendance à schématiser l’histoire de l’interprétation des rôles en opposant à la dramaturgie moderne la pratique ancienne des « emplois » qui aurait dominé l’Ancien régime et le xixe s., il faut rappeler que les emplois ne deviennent une réalité professionnelle qu’au cours de la première moitié du xviiie siècle, à la suite de la création de la Comédie-Française : il n’existe avant cela qu’une codification des rôles qui structure l’écriture des pièces et facilite le travail des comédiens en leur permettant des spécialisations partielles, sans cadre juridique ni caractère contraignant. Après la fusion des troupes parisiennes, les effectifs sans précédent de la Comédie-Française créent des situations de doublon et de nouvelles rivalités qui nécessitent un réglage en amont de la distribution : c’est à ce besoin de formalisation que répond le système des emplois. Celui-ci a alors d’importantes conséquences dramaturgiques : si au xviie s. les auteurs dramatiques s’adaptaient aux qualités individuelles des acteurs en présence, la structuration beaucoup plus rigide des troupes à partir du xviiie s. impose une certaine uniformisation des rôles et de l’interprétation. C’est ainsi, par exemple, que le rôle-titre de Tartuffe, écrit pour le comédien polyvalent Du Croisy, est interprété dans les siècles suivants dans plusieurs directions univoques successives, en fonction de l’emploi de ses interprètes.