11 novembre 2020
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Olivier Hercend, « The Agonistics of Reading: Playing, Gambling, Committing », Angles, ID : 10.4000/angles.2602
De l’ouvrage de Michel Picard, La lecture comme jeu, au modèle du « jeu d’échecs » proposé par Umberto Eco, la lecture a souvent été comparée au jeu. De fait, le schéma du jeu permet de penser l’interaction entre une série de règles externes et les possibilités d’action qu’elles laissent à l’individu. Mais au-delà de ces seules structures, le jeu est une activité fondamentale chez l’homme, avec une infinité de variations, des jeux d’imagination d’enfants aux « coups » du parieur, et aux séries ritualisées d’actions et de réactions qui composent un combat d’arts martiaux ou une partie d’échecs. Ainsi, cet article propose de passer en revue plusieurs théories classiques et contemporaines de la lecture, en étudiant spécifiquement leur façon d’employer la métaphore de la lecture comme jeu. Il s’intéresse d’abord aux théories structuralistes et phénoménologiques, qui tendent à considérer la lecture comme l'application de règles pré-établies, comparable à un jeu d’échecs. Il est ensuite question des théories qui préfèrent éclairer la liberté que possède tout lecteur de sortir des sentiers battus. Ces perspectives comparent plus volontiers la lecture à un jeu de hasard qu’à un jeu d’échec : un « coup », qui comme le coup de dé mallarméen « jamais n’abolira le hasard ». Mais le « coup » du parieur a toujours son enjeu. A ce titre, les théories comme la pragmatique marxiste de Jean-Jacques Lecercle donnent une explication particulièrement pertinente de ce que la lecture met en jeu. Notre posture face aux interpellations des textes informe notre être social et politique. Voilà pourquoi cet article propose une vision de la lecture basée sur la notion d’agonistique. Reprenant le mot grec « agôn », qui fait du jeu une épreuve révélatrice, l’agonistique de la lecture soutient que les textes posent au lecteur un défi. En les réduisant à des protocoles préexistants ou en les ouvrant par d’incalculables « coups », nous participons essentiellement à la définition de notre propre identité, en tant que lecteur et en tant qu’être humain. Cette dialectique de révélation et de construction de soi, par l’interaction avec les textes, est le jeu fondamental, quoique souvent passé sous silence, auquel se livre tout lecteur.