27 décembre 2021
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Ben Winsworth, « Getting it All Down: Disintegration and Integration in B. S. Johnson’s The Unfortunates », Angles, ID : 10.4000/angles.4322
Le fameux « livre dans une boîte » de B. S. Johnson, The Unfortunates (1969), est plus qu'une expérience formelle. Les feuillets non reliés du roman, que nous sommes invités à mélanger dans n'importe quel ordre avant de le lire, expriment non seulement la croyance de Johnson dans la nature accidentelle de la vie, mais reflètent plus particulièrement, comme l'a noté son ami Zulfikar Ghose, le caractère arbitraire du cancer. Le côté « boîte à malices » du roman a souvent occulté l'histoire humaine qu'il contient : la mort de Tony, l'ami du narrateur/B.S. Johnson, des suites d'un cancer, et la tentative de ce dernier de tenir sa promesse finale de « tout écrire, mon pote », de rapporter avec une honnêteté sans faille cette expérience et ses conséquences. Les critiques ont eu tendance à rejeter l'histoire des vies racontées dans The Unfortunates comme étant banale et ennuyeuse, ou à estimer qu’elle ne correspond pas à la forme expérimentale du texte. Cependant, dans cet article, je me propose de reconsidérer la relation entre la forme et le contenu, en arguant que l'observation mélancolique de la vie par le narrateur et les descriptions de la mort lente et douloureuse de son ami correspondent tout à fait à la structure/non-structure du roman. La désintégration physique de Tony et l'état d'esprit dépressif du narrateur, qui repense à la mort de son ami et à ses conséquences, trouvent un cadre idéal dans la nature fragmentaire de The Unfortunates. J'essaierai également de montrer comment les aspects plus formels et physiques du roman, notamment la boîte, la première et la dernière partie, les feuillets non numérotées, facilitent la dynamique du deuil en offrant un espace aux monologues intérieurs de Johnson pour qu'ils prennent la forme et la tournure expérimentales qu'ils souhaitent, tout en s'efforçant de retenir et de contenir les conflits émotionnels et intellectuels qu'ils renferment. De la sorte, l’expérience évite une désintégration complète. Dans cette interaction particulière, il y a un mouvement vers l'intégration qui, même s'il ne donne pas à Johnson des idées entièrement constructives, est à tout le moins un geste vers une forme la guérison, tant pour lui-même que pour le lecteur.