8 juillet 2020
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Christophe Martin, « Déliaisons expérimentales : autour de quelques expériences fictives de désocialisation au XVIIIe siècle », Astérion, ID : 10.4000/asterion.4971
Si l’idée d’isoler des êtres neufs, méticuleusement soustraits aux processus usuels d’éducation et de socialisation, n’est pas une invention du siècle des Lumières, de telles expériences fictives (qu’il s’agisse d’expériences de pensée, de projets d’expérimentation, ou de fictions littéraires d’isolement enfantin) se multiplient au XVIIIe siècle. La dissolution expérimentale du lien social vise le plus souvent à démontrer la naturalité de ce lien et sa nécessité dans le développement des lumières de la raison. On se propose ici de mettre en lumière la rupture considérable qu’introduit la problématique rousseauiste dans l’élaboration de ces fictions d’isolement enfantin : dans le sillage du Second Discours et de l’Émile, il ne s’agit plus de montrer l’abêtissement que produirait la rupture du lien social, mais bien au contraire de désinhiber les propriétés originaires de la nature des hommes que le processus double de dénaturation et renaturation leur a fait perdre, et de développer des potentialités a priori inimaginables pour des êtres corrompus. La déliaison expérimentale doit permettre la régénérescence de l’individu et de la communauté.