18 février 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Սիրանոյշ Դւոյեան et al., « ԳՐԱԿԱՆ ԱՇԽԱՏԱՆՔԸ », Presses de l’Inalco, ID : 10.4000/books.pressesinalco.41347
Pour Krikor Beledian, la littérature n’est pas une donnée, mais un matériau à cultiver. Afin de libérer les potentialités de la langue, il aborde la tradition littéraire comme l’accumulation d’une expérience linguistique accumulée, qui doit être appropriée comme une réopération des genres littéraires et des expériences littéraires. Cette action est une sorte d'auto-création – la formation d'une identité narrative. Beledian appelle ce phénomène « palimpseste ». L’article évoque les étapes de cette action récursive ainsi que l'éthique de l'écriture dans le contexte diasporique arménien.Le dernier poème des Mantras, « La langue dépeuplée », est un dialogue imaginaire entre les morts sans sépulture et leur héritier. La voix collective de ces dernires pleure la terre de ses ancêtres. La voix de l'héritier refuse le mode de vie des parents et aspire non pas à surmonter la perte, mais à élaborer une méthodologie pour vivre avec. D’où l’acte symbolique de la rupture de ce que l’on peut appeler « l’alliance parentale ». Faisant appel aux formes classiques de la tragédie et de la lamentation, Beledian présente ce poème comme une scène de « deuil » où les deux voix se rejoignent pour mettre un terme à l’ancien mode de vie. Cet accord leur permet de s’affranchir du deuil et de se rêver mutuellement. Cette phase de libération permet à la voix de l’héritier de réaliser son aspiration à une vie nouvelle.Dans ses œuvres de fiction, qu’il appelle « récits », Beledian continue à donner forme à de nouvelles manières d’articuler la perte. La passion du récit conduit le narrateur à être attentif aux histoires propres à la vie communautaire. Fragments de la vie quotidienne, anecdotes, traditions orales sont autant de matériaux que le narrateur mobilise pour construire une identité narrative. Sensible à toutes les formes langagières dans leurs moindres détails, le narrateur semble avoir perdu le fil de sa vie normale, il réorganise les fragments du passé pour accéder à cette normalité. Par là-même, une image virtuelle du passé est recomposée, permettant à une nouvelle identité d’émerger. Le récit devient, selon l’expression de Paul Ricœur, un auxiliaire de la remémorisation.L'article aborde également l’éthique de l'écriture. À partir de l’idée de « nation textuelle » proposée par Khachig Tölölyan, selon laquelle les biographies de personnages clé nourrissent les récits traditionnels, cet article examine ce qui fait que la biographie des gens ordinaires mérite d’être écrite. Dans les affres du quotidien, ils ne sont pas en mesure de réaliser leurs rêves et leurs désirs. Mais ils ont confiance en l’avenir et rêvent d’autres opportunités. L’écriture est l’une d’entre elles, elle révèle le spectre de l’expérience dans toute sa diversité, exprimant par là-même l’attachement à la vie. Les récits de Beledian ouvrent donc des perspectives nouvelles pour l’imaginaire artistique de la diaspora arménienne.