La structure multidimensionnelle des goûts

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21 juillet 2021

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Camille Noûs et al., « La structure multidimensionnelle des goûts », Biens Symboliques / Symbolic Goods, ID : 10.4000/bssg.598


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Résumé Fr En Es

La notion de légitimité culturelle a connu de nombreuses déclinaisons et de nombreuses critiques. Pourtant, peu de travaux s’emploient à la construire de manière empirique et quantifiée à l’échelle d’un espace national et pour plusieurs pratiques culturelles. Malgré des débats théoriques intenses, une question demeure en particulier en jachère : l’échelle de légitimité culturelle étant définie par l’homologie entre l’ordonnancement des goûts et celui des groupes sociaux, de quel espace social est-il question ? Nous proposons une démarche empirique pour tenir compte statistiquement de l’intersectionnalité des rapports sociaux de pouvoir, que de nombreuses enquêtes ethnographiques ont établie à l’échelle des individus et des groupes sociaux. Il s’agit essentiellement d’analyser les relations entre les variables de position sociale – le diplôme, l’âge et le sexe, pour celles que nous retiendrons – sans tomber dans le piège improductif de la hiérarchisation des effets mais en les considérant plutôt en termes d’interactions. Nous établissons ainsi que, au niveau macro où se situe l’analyse, l’échelle de légitimité culturelle est associée simultanément aux trois rapports sociaux étudiés, opposant le bourgeois (lettré) au populaire, le féminin au masculin et l’ancien à l’émergent. Au final, l’échelle de légitimité est constituée de trois échelons principaux, associés à trois configurations de propriétés sociales : une culture lettrée, féminine et ancienne en « haut » de l’échelle, une culture lettrée, masculine et émergente au « milieu » et une culture populaire, féminine et ancienne en « bas ». L’interprétation sociologique permet ensuite de distinguer deux variations de la culture légitime, plus ou moins ancienne, féminine et lettrée, et trois variations de la culture illégitime en fonction des variables de sexe et d’âge : le goût pour les genres populaires « ringards » et « sentimentaux » se distingue du goût pour les produits « grand public » les plus accessibles par la radio, la télévision ou les magazines comme du goût pour les genres émergents et « virils » (science-fiction, rap ou hard rock…) qui sont parfois constitués en sous-cultures juvéniles et disponibles à des entreprises de légitimation. Au-delà de cette esquisse de typologie, nous cherchons surtout à établir l’existence de ces interactions, à proposer quelques outils statistiques utiles pour les étudier et à montrer l’intérêt qu’il y a à analyser la distribution des pratiques culturelles en termes intersectionnels.

The notion of cultural legitimacy has had many incarnations and been subject to many criticisms over the years. However, few studies have set out to construct it empirically and quantify it at the national level and over several cultural practices. In spite of the intense theoretical debates, one question remains particularly neglected – given that the scale of cultural legitimacy is defined by the homology between the ordering of tastes and the ordering of social groups, which social space does it actually refer to? Here we propose an empirical approach to statistically account for the intersection of social power relations which many ethnographic studies have observed at the level of individuals and social groups. The goal is to analyse the relations between variables related to social status; education, age, and gender are the ones we look at here. We avoid the unfruitful trap of simply constructing hierarchies of effects, and instead consider the interactions between them. We therefore observe that, at the macro level where our analysis is situated, the scale of cultural legitimacy is simultaneously associated with the three social relations studied, opposing bourgeois (intellectual) culture to popular culture, feminine culture to masculine culture, and established culture to new emerging culture. Ultimately, the scale of cultural legitimacy is made up of three main echelons, associated with three configurations of social characteristics: intellectual, feminine, and established at the “top” of the legitimacy scale, intellectual, masculine, and emerging at the “middle” and, finally, popular, feminine, and established, at the “bottom”. A sociological interpretation allows us to distinguish two variations of legitimate culture that are more or less well established, feminine, and intellectual, and three variations of illegitimate culture depending on gender and age variables (a taste for “outdated” or “sentimental” working class genres, a preference for “mass public” products that are widely available on radio, television, or in magazines, and a taste for emerging “virile” genres (science-fiction, rap, hard rock, etc.), that are sometimes constituted as juvenile subcultures subject to processes of legitimation). Beyond this nascent typology, we seek above all to establish the existence of these interactions, to propose certain statistical tools that are useful for studying them and to demonstrate the benefit of analysing the distribution of cultural practices in intersectional terms.

La noción de legitimidad cultural se ha presentado de muchas formas diferentes y ha suscitado numerosas críticas. Sin embargo, pocos estudios han intentado construirla de manera empírica y cuantificada a escala de un espacio nacional y respecto a varias prácticas culturales. A pesar del intenso debate teórico, una pregunta específica sigue en barbecho: dado que la escala de la legitimidad cultural se define por la homología entre la ordenación de los gustos y la de los grupos sociales, ¿de qué espacio social se trata? Proponemos un enfoque empírico para tener en cuenta estadísticamente la interseccionalidad de las relaciones sociales de poder, que numerosas investigaciones etnográficas han establecido a escala de los individuos y de los grupos sociales. Esencialmente, se trata de analizar las relaciones entre las variables de posición social –diploma, edad y sexo– sin caer en la trampa improductiva de la jerarquización de los efectos, sino considerándolos más bien en términos de interacciones. De esta forma, establecemos que, a nivel macro del análisis, la escala de legitimidad cultural se asocia simultáneamente a las tres relaciones sociales estudiadas, que oponen lo burgués (alfabetizado) a lo popular, lo femenino a lo masculino y lo antiguo a lo emergente. A fin de cuentas, la escala de legitimidad se compone de tres peldaños principales, asociados a tres configuraciones de propiedades sociales: una cultura letrada, femenina y antigua en la “parte superior” de la escala, una cultura letrada, masculina y emergente en la “parte media” y una cultura popular, femenina y antigua en la “parte baja”. La interpretación sociológica luego permite distinguir dos variaciones de la cultura legítima, más o menos antigua, femenina y letrada, y tres variaciones de cultura ilegítima en función de las variables de sexo y edad: el gusto por los géneros populares “anticuados” y “sentimentales” se distingue del gusto por los productos “mainstream” más accesibles a través de la radio, la televisión o las revistas, y del gusto por los géneros emergentes y “viriles” (ciencia ficción, rap o hard rock, etc.), que a veces se constituyen como subculturas juveniles y disponibles para proyectos de legitimación. Más allá de este esbozo tipológico, nuestro principal objetivo consiste en establecer la existencia de estas interacciones, proponer algunas herramientas estadísticas útiles para estudiarlas y mostrar el interés de analizar la distribución de las prácticas culturales en términos interseccionales.

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