13 février 2019
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Terrail‑Lormel Sarah, « De la neurasthénie à la thérapie Morita : la fabrique du savoir psychiatrique dans le Japon moderne (décennies 1900-1930) », Cipango, ID : 10.4000/cipango.2707
Tout en synthétisant les apports récents de la recherche historique sur la neurasthénie au Japon, cet article vise à montrer comment le concept de neurasthénie et sa large diffusion dans le grand public japonais au début du xxe siècle, ont constitué une forme de « fabrique du savoir psychiatrique ». Instituée au Japon dès les années 1880 comme discipline médicale et système de soin de la maladie mentale, ce n’est que très progressivement que la psychiatrie parvient à légitimer auprès du public japonais sa conception de la maladie mentale et ses thérapies. La notion de neurasthénie, importée dans la nosologie des psychiatres japonais dès les années 1880 et adoptée par le grand public à partir de la fin de la guerre russo-japonaise (1905), devient alors un outil nouveau grâce auquel les Japonais vont appréhender des maux physiques et psychiques du quotidien tout en les inscrivant dans le contexte social et culturel du « processus de civilisation » et de la « lutte pour la survie », contribuant ainsi à ouvrir cette sphère du vécu individuel à l’expertise des psychiatres. En retour, ayant produit de nombreux neurasthéniques en quête de guérison, la vague de la neurasthénie engendre également de nouveaux savoirs psychiatriques. Le psychiatre Morita Shōma (1874-1938) élabore ainsi entre les années 1910-1930 une théorie psychologique et une psychothérapie originales de la neurasthénie, au croisement du savoir psychiatrique et psychologique occidental et des thérapies alors populaires au Japon.