7 janvier 2020
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Alexandre Rios-Bordes, « Une surveillance sous tensions. Sociohistoire d’un arrangement sécuritaire en contexte démocratique », Cultures & conflits, ID : 10.4000/conflits.20985
L’article se propose, à partir d’un cas historique, de déployer sur quel arrangement à la fois intellectuel, institutionnel et pratique a pu reposer l’émergence, puis la première perpétuation d’une forme a priori hautement problématique de curiosité étatique : la surveillance politique opérée par les administrations clandestines de l’État. Le cas des services de renseignement militaire étatsuniens montre que cette entreprise de surveillance n’est jamais allée de soi ; qu’elle est prise dès l’origine dans une contradiction fondamentale qui enserre son dispositif. Elle est, d’une part, institutionnellement légitime, portée par un raisonnement sur la menace formulé au sortir du premier conflit mondial qui fait du suivi de la situation intérieure un impératif guerrier. Dans le même temps, cette vigilance se révèle être politiquement illégitime, au nom du double stigmate de son association à une possible répression politique et de l’intolérable ingérence des militaires qu’elle suppose. Première transaction : elle ne se poursuit donc que sous conditions d’ambiguïté instituée, y compris au sein des forces armées et jusqu’au sein même des services. Cette situation d’incertitude s’y décline en une série de tensions logique, éthique et pratique que les premiers spécialistes de la surveillance ne surmontent qu’en engageant un intense travail normatif sur les finalités spécifiques de leurs organisations, en esquissant les contours d’une déontologie singulière et en développant une culture de la transgression dont la limite est toujours – seconde transaction – le caractère passif de leur vigilance.