11 novembre 2021
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Constance Cagnat-Deboeuf, « La fausseté des vertus dans Bérénice », Études Épistémè, ID : 10.4000/episteme.13497
Si plus qu’aucune autre pièce de Racine Bérénice a suscité des interprétations contradictoires, c’est que la vérité des êtres et des conduites humaines y échappe à toute certitude, que les plus grandes actions et les plus beaux sentiments y sont susceptibles de s’inverser, sous l’effet corrupteur de l’amour-propre, en autant de défaites ou de calculs intéressés : aux yeux de qui résiste à l’éblouissement, la gloire de Titus, la valeur d’Antiochus, l’amour de Bérénice s’avèrent travaillés par l’ambition, la jalousie, l’intérêt. Bérénice apparaît ainsi comme l’occasion pour le dramaturge d’engager une réflexion sur la fausseté des vertus qu’éclairent les analyses proposées à la même date par les moralistes augustiniens, La Rochefoucauld, Nicole, Esprit. Et si le renoncement final de la reine vient mettre un terme au règne de l’amor sui, le lecteur n’en reste pas moins devant une ultime interrogation : l’héroïsme de Bérénice est-il tout humain, ou l’œuvre de la grâce divine ? La tragédie se fait jeu d’optique, et la dette du théâtre racinien envers Port-Royal n’a pas fini d’être explorée.