Stanley Kubrick : le corps et l’esprit. Volonté de puissance et Mètis dans l’œuvre du cinéaste

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10 décembre 2019

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Sam Azulys, « Stanley Kubrick : le corps et l’esprit. Volonté de puissance et Mètis dans l’œuvre du cinéaste », Essais, ID : 10.4000/essais.671


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Selon Gilles Deleuze, le cinéma de Kubrick est un « cinéma du cerveau » (Gilles Deleuze, L’Image-temps. Cinéma 2, Minuit, Paris, 1985, p. 267-268) plutôt qu’un cinéma du corps, c’est-à-dire un cinéma où c’est d’abord et avant tout « le cerveau qui est mis en scène » (ibid). Penser les rapports entre le corps et l’esprit dans le cinéma de Kubrick nous paraît être un enjeu d’autant plus fondamental que son cinéma a longtemps été envisagé comme un « monde-cerveau » façonné par un démiurge perfectionniste jusqu’à l’obsession. Le « monde-cerveau » – autre expression deleuzienne – de Kubrick semble pourtant toujours menacé par une entropie galopante qui, dans la plupart des cas, le fait, in fine, basculer dans le chaos.Cependant, même si Kubrick adopte effectivement l’approche distanciée et analytique d’un diagnosticien soucieux de mettre au jour l’irrationalité pathologique d’un monde occidental en déroute, il nous semble accorder un profond intérêt à la question du corps. C’est pourquoi l’idée deleuzienne selon laquelle, dans l’œuvre de Kubrick, les attitudes du corps dépendent toujours du cerveau mérite, selon nous, d’être discutée. En effet, une approche dualiste et finalement réductrice ne semble pas rendre justice à la complexité des rapports qu’entretiennent le corps et l’esprit dans le cinéma de Kubrick.Nous tenterons de montrer que le cinéaste, loin de s’en tenir à « l’identité du monde et du cerveau » comme le suggère Deleuze, propose une physiologie du sujet-vivant qui n’est pas si éloignée de l’approche nietzschéenne. Ainsi, lorsque les forces vitales se sont amenuisées, le néant de volonté peut se transformer en volonté de néant, c’est-à-dire en une volonté de puissance dévoyée, comme c’est par exemple le cas dans Docteur Folamour ou Orange Mécanique. Or, cette volonté de puissance est si débridée que même le nihilisme technologique triomphant ne parvient pas à la canaliser.Dans l’œuvre du cinéaste, c’est donc en réalité le corps qui tient en échec le cerveau. Loin de nous proposer une vision pessimiste et dualiste de l’existence, Stanley Kubrick interroge le rapport du corps et de l’esprit pour réexaminer nos valeurs humanistes à la lumière des mutations technologiques et revaloriser la Mètis, cette intelligence pragmatique liée à la faculté d’improviser que les anciens Grecs identifiaient à la ruse et qui suppose l’existence d’une étroite connivence entre le corps et l’esprit.

According to Gilles Deleuze, Kubrick’s cinema is “a cinema of the brain” rather than “a cinema of the body”, which is to say a cinema in which it is first and foremost “the brain which is staged”. Exploring the relation between brain and body in Kubrick’s cinema seems all the more necessary since his work has long been considered as a “brain-world”, shaped by an obsessively perfectionist demiurge. Such “brain-world” –another Deleuzian expression– yet appears to be threatened by a raving entropy which, in most cases, plunges the world into chaos.However, even though Kubrick does adopt a distanciated, analytical approach akin to a diagnostician mindful to highlight the pathological irrationality of a Western world in turmoil, I argue he also pays careful attention to the body. That is why I believe the Deleuzian idea according to which in Kubrick’s oeuvre, the body’s reactions always depend on the brain, deserves to be questioned. A dualistic –and ultimately reductive– approach does not fully encompass the subtlety of the relations between body and mind that Kubrick depicts.I therefore argue that the filmmaker, far from sticking to an “identity of world and brain” as Deleuze suggests, offers a physiology of the living subject reminiscent of the Nietzschean approach. Thus, when vital forces have diminished, the nullity of will can morph into a will to nothingness, that is to say a distorted will to power, as is the case in Doctor Strangelove or A Clockwork Orange. And yet, the will to power endures despite all the attempts to channel it through a triumphant technological nihilism.In the filmmaker’s work, it is thus the body which instead keeps the brain in check. Far from offering a pessimistic, dualistic view of life, Stanley Kubrick questions the relation between body and mind to better reexamine our humanist values in the light of technological mutations and ends up valuing Metis, this pragmatic intelligence connected to the faculty to improvise that ancient Greeks associated to ruse and which presupposes a tight connivance between body and mind.

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