17 décembre 2020
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Geoffroy De Brabanter, « Les NTIC et la délibération : dans quelle mesure les outils numériques peuvent-ils contribuer à améliorer la qualité du débat public ? », Éthique publique, ID : 10.4000/ethiquepublique.5337
Internet nous offre aujourd’hui un accès quasi inconditionnel à l’information ainsi que la possibilité presque instantanée de débattre virtuellement sur divers thèmes sociétaux. Mais si cette combinaison semble œuvrer pour une forme de démocratisation intellectuelle émancipatrice, force est de constater qu’elle peut également prendre des tournures dramatiques en mettant en scène des discussions extrêmement polarisées, voire radicalisées, qui ne visent en aucun cas la recherche du bien commun. Devant l’émergence de nombreux débats virtuels qui jaillissent anarchiquement sur les réseaux sociaux ou sur les sites de presse, certains administrateurs ont même décidé d’empêcher toute forme de commentaires tant la virulence de certains propos peinait à servir l’intérêt du public. En réalité, ces débats dits « libres » sont incapables de fournir le minimum de règles requis pour assurer la légitimité d’un processus de délibération publique entre des individus qui se verraient également considérés. Cet ensemble de règles éthiques, techniques et intellectuelles peut être trouvé dans la théorie de la démocratie délibérative de Jürgen Habermas qui constitue la base de son éthique de la discussion. Ainsi, après avoir spécifié la nature des débats « libres » et passé en revue la théorie habermassienne qui s’articule autour d’un idéal démocratique délibératif, nous verrons comment celle-ci peut s’intégrer aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) afin d’augmenter la qualité du débat public du plus grand nombre en proposant des débats « organisés » porteurs d’espoir à l’heure où l’on ne s’écoute que trop rarement dans un espace numérique saturé. C’est le cas notamment des « technologies à visée citoyenne » (civic tech) qui ont émergé très récemment dans le paysage politique français et qui prétendent dépasser la violence des débats virtuels « libres » grâce à des échanges collectifs structurés. Le « Grand débat national » organisé en France par le président de la République à la suite de la crise des Gilets jaunes ainsi que le « Vrai débat » lancé par ces derniers pour contester la légitimité du premier seront l’occasion d’envisager l’espoir, mais aussi les limites des civic tech à partir d’exemples concrets.