Morale de la stratégie, stratégie de la morale : le débat chinois sur la guerre juste

Fiche du document

Auteur
Date

22 mai 2015

Discipline
Type de document
Périmètre
Langue
Identifiant
Relations

Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/0754-5010

Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/2108-7105

Organisation

OpenEdition

Licences

All rights reserved , info:eu-repo/semantics/openAccess



Citer ce document

Jean Levi, « Morale de la stratégie, stratégie de la morale : le débat chinois sur la guerre juste », Extrême-Orient Extrême-Occident, ID : 10.4000/extremeorient.374


Métriques


Partage / Export

Résumé Fr En Zh

Pour beaucoup de peuples la guerre est avant tout une fête, cruelle certes, mais fête tout de même. En Chine même, à l’époque des Shang et sous les Zhou occidentaux, la guerre constituait, avec la chasse, la principale activité de l’élite de la société. Pourtant, tous les traités militaires de l’époque ultérieure ont à cœur de stigmatiser la guerre : il faut écouter le concert de lamentations des généraux et stratèges sur le caractère destructeur de leur activité. Le caractère jugé néfaste de la guerre est l’expression, sur le plan de la pensée, de la mutation de la nature de la guerre et du statut du guerrier. Il témoigne du passage d’une société guerrière, ayant développé une mentalité héroïque, à un ordre militarisé véhiculant des valeurs civiles, lesquelles ne pouvaient coexister avec lui qu’en en travestissant sa véritable nature par le discours, alors même que toutes les institutions étaient conçues pour soutenir l’effort de guerre. Si la guerre traduit une défaillance de la vertu civilisatrice du chef, elle s’avère aussi l’unique moyen d’assurer le retour à l’ordre et de garantir la justice. C’est ainsi que l’on voit s’esquisser dans les écrits politico-militaires une légitimation de la guerre juste (yi bing), qui, précisons-le, se doit de l’être doublement, dans ses buts comme dans ses moyens. Cette notion de guerre juste devient elle-même polémique quand les penseurs en précisent les modalités et les moyens. À compter qu’il existe une guerre juste et des objectifs justifiant le recours aux armes, on peut se demander si les moyens que celle-ci doit mettre en œuvre pour emporter la victoire, dans une certaine pratique stratégique élaborée à partir de l’expérience historique des ve-iiie siècles av. J.-C., n’en sapent pas d’entrée de jeu la légitimité.

For many peoples in the world, war is above all a festivity, a cruel one needless to say, but a festivity all the same. In China, during the Shang era and under the Western Zhou, the main activity of the elite, apart from hunting, was war. However, military treatises from later periods stigmatize war, as is clear from the lamentations of generals and strategists on its disastrous effects. The negative prevalent opinion on war, an activity deemed to be nefarious, reflected the profound change in the nature of war and in the status of warriors. The demise of a warrior culture that had forged a heroic mentality had been replaced by a militarised order conveying civil values that could only exist alongside the new order by betraying its true nature through discourse, while in fact the role of all its institutions was to support the war effort.While the event of war was seen as revealing a fault in the civilising virtue of the leader, it was also considered to be the only way to restore order and to guarantee justice. So the outline of the legitimization of the just war (yi bing) began to appear in politico-military writings, with the war needing to be doubly just, both in its aims and in its means. The notion of the just war becomes polemical in itself when its methods and means are clearly stated by the thinkers. Given the existence of a just war and of objectives justifying the call to arms, one may ask whether such means as required to ensure victory, using the kind of strategy developed through experience from history in the 5th to 3rd centuries BCE, undermine the legitimacy of war before it even begins.

對許多民族而言,戰爭雖說慘烈,但終究還是一場慶典。正如在中國的殷商和西周時代,戰爭和狩獵同為社會精英人士的主要活動。然而, 後代所有的軍事論著都極力痛斥戰爭,將領和戰略家們對軍事活動的危害悲歎連連。這種認為戰爭是有害的看法反映了戰爭性質和軍人地位在人們心目中的轉變,也印證了從推崇英雄主義的尚武社會到傳達民本價值的軍事化社會秩序的過渡。在後一種社會中,一切社會制度都旨在滿足軍需,民本價值只有通過言說改頭換面掩飾自我,才能與這種軍事化社會共處。 如果說戰爭反映出國家首領在民眾教化上的疲軟,它卻也是重建秩序、確保公正的唯一手段。所以,在政治軍事著作中出現了意圖正當、舉措合理的“義兵”概念 。然而,一旦思想家們明確指出其具體的形態和方式,“義兵”便不再無可非議。假設“義兵”的存在是可能的,它所追求的目標也值得國家為之動用武力,那麼我們不禁要問,公元前五至三世紀的中國兵法中那些制勝之道是否已然顛覆了“義兵”的正當性。

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Sur les mêmes disciplines

Exporter en