7 décembre 2015
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Marianne Blidon, « Les sens du je », Géographie et cultures, ID : 10.4000/gc.3240
Le point de départ de ce travail est l’analyse des interpellations, des assignations et des injonctions sexuelles et genrées qui ont émaillé mon travail de recherche, m’obligeant à penser ma position et à formuler un « je », femme hétérosexuelle. Il s’agira alors de montrer tout l’écart qu’il y a entre cet effort de véridiction académique et une analyse des fondements épistémologiques de l’expérience ; mais aussi entre la production purement factuelle et descriptive de se dire « femme » et la prise de conscience de ce que cela implique en termes de rapports sociaux, en particulier dans l’espace académique. Cet article n’a donc pas tant vocation à rendre compte d’un parcours ou d’une expérience singulière médiatisé par un « je » qu’à penser la manière dont l’absence d’expérience - le fait d’éprouver, de ressentir, de vivre une situation ou de partager une condition - peut éventuellement être mobilisée pour disqualifier un travail de recherche. Le recours à l’expérience hérité de la formule féministe « le personnel est politique » est un des fondements politiques des études gays. Or loin d’aller de soi, il convient de questionner cette évidence et d’en analyser les fondements épistémologiques afin de mieux fonder le savoir en géographie des sexualités. Il convient surtout de réfléchir à l’usage politique des véridictions académiques au détriment de l’analyse des rapports sociaux ou comment la production de vérité sur soi se fait au détriment d’une analyse critique des rapports de pouvoir.