11 mars 2014
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Pascale Avenel, « Erasme et Stefan Zweig ou l’éloge involontaire de l’irrationnel », Germanica, ID : 10.4000/germanica.2407
Stefan Zweig publia sa biographie du philosophe humaniste en 1934 alors qu’il s’était déjà exilé en Grande-Bretagne. Avant même sa parution, le texte avait fait l’objet d’une vive polémique avec Klaus Mann, à qui Zweig avait refusé de laisser publier un extrait du livre dans sa revue d’exilés Die Sammlung, trop politisée aux yeux de l’écrivain viennois. Accusé de bienveillance vis-à-vis des nazis parce qu’il se refusait à porter le débat sur la scène politique, Zweig conçut sa biographie comme une réponse à ses détracteurs antinazis en même temps que comme un manifeste de l’humanisme, pensée universelle et fondamentalement intellectuelle. Or, par delà cette noble intention et son attachement incontestable aux valeurs de l’humanisme que sont la prépondérance de la raison et la tolérance, Zweig ruine ses efforts en appuyant sa démonstration sur des catégories irrationnelles empruntées au vitalisme qui vont à l’encontre de l’humanisme. Sans s’en rendre compte l’écrivain viennois sape lui-même les bases de sa démonstration. Tout en proclamant la légitimité de la raison et son triomphe final, il en dénonce la morbidité, l’inaptitude à agir concrètement sur la vie et la condamne. Inconsciemment l’humaniste soutient les thèses de ses adversaires nazis.