27 janvier 2022
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Ruby Faure, « Tordre les archives (queering archives) : oui, mais dans quel sens ? », GLAD!, ID : 10.4000/glad.3255
Les allers-retours entre questionnements épistémologiques, positionnements politiques et expériences affectives me permettent de déployer plusieurs directions du projet de tordre (queering) les archives. L’édition par Michael Rosenfeld de lettres envoyées par un inverti à Émile Zola et au docteur Saint-Paul à la fin du xixe siècle est dans cet article l’occasion de repérer quelques transformations de mon rapport au passé queer, en distinguant trois régimes de lecture de ces lettres que j’ai développés au fil de mes recherches. Le projet d’une histoire des minorités sexuelles vise la découverte et le sauvetage des voix queer du passé, et cherche à leur rendre justice pour inspirer les luttes de libération du présent. Une lecture à rebours ou à rebrousse-poil de l’archive tend plutôt à repérer les dispositifs de pouvoir et les mécanismes de censure qui constituent et délimitent l’archive queer, ses pertes et ses résistances. Lire en suivant le grain enfin permet de faire place à l’altérité et aux contradictions d’un passé pervers subalterne, qui ne se laisse pas assimiler aux récits contemporains des démocraties libérales et nationalistes. Je défends ici l’idée que tordre les archives constitue une orientation éthique, cherchant à résister aux appels homo-nationalistes contemporains, ainsi qu’aux cloisonnements de l’histoire de la sexualité et de celle de l’empire colonial français.