29 octobre 2021
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Naomi Toth, « An Exceptional Man? Kurtz and fascination with colonialism, from Conrad to Coppola », Miranda, ID : 10.4000/miranda.42610
Dans « Au Cœur des ténèbres » de Joseph Conrad, le personnage de Kurtz est sans cesse présenté comme exceptionnel. Du point de vue de la Compagnie et aussi du narrateur Marlow, il se distingue d’abord par ses talents hors du commun, qu’il met au service de l’entreprise coloniale avec une efficacité redoutable, pour ensuite devenir l’incarnation particulièrement terrible des horreurs du colonialisme. En décrivant Kurtz comme exceptionnellement doué, puis exceptionnellement mauvais, les colons et Marlow expriment les angoisses coloniales contemporaines relatives à l’atavisme et à « l’ensauvagement » des occidentaux, tout en alimentant la fascination pour l’entreprise coloniale qui informe la structure même de la nouvelle. Néanmoins, le texte de Conrad met cette fascination à mal en invitant le lecteur à douter de l’exceptionnalisme de Kurtz, à trouver en lui plutôt une expression ordinaire, voire banale, de la culture occidentale. Cette banalisation de Kurtz joue un rôle clé dans la critique du colonialisme que l’on peut lire dans ce texte. Une comparaison avec la manière dont Kurtz est présenté dans le film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1979), une des adaptations les plus connues de la nouvelle de Conrad, est à ce titre instructive. En exacerbant l’exceptionnalisme de Kurtz et en supprimant le doute quant à sa puissance maléfique, le film renoue avec la fascination pour l’entreprise coloniale et les fantasmes de puissance absolue, à des fins éthiques discutables.