22 mars 2021
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Françoise Mayer, « Sources filmiques des procès Horáková et Slánský », Cahiers du monde russe, ID : 10.4000/monderusse.12018
Dans l’histoire de la répression judiciaire des années 1950 en Tchécoslovaquie, deux grands procès se détachent, ceux de Horáková (juin 1950) et de Slánský (décembre 1952). Si le premier a eu un intense retentissement international que l’autre n’a pas vraiment connu, tous deux ont ceci en commun d’avoir été l’objet d’une campagne de propagande hors du commun. Pour mettre les projecteurs sur les prétendus traîtres à la nation de ces deux affaires, (trois femmes et dix hommes dans le cas Horáková, onze hommes dans le cas Slánský), tous les canaux disponibles furent mobilisés. Tous pourtant ne jouèrent pas le même rôle. La presse, la radio et le réseau des comités locaux du PCT furent des instruments capitaux. Pas le cinéma. En dépit de l’imposant dispositif de tournage déployé lors des audiences, aucune des images tournées au tribunal de Pankrác en 1950 ou 1952 ne fut montrée à l’époque. En 1968, dans le contexte du Printemps de Prague, quelques plans du procès Slánský réapparurent, repris ensuite dans de nombreux documentaires. Jusqu’en 1989, ce furent les seules images d’archives sur ce procès, dont la mémoire fut surtout véhiculée par le truchement d’une fiction, l’adaptation par Costa-Gavras de L’Aveu (1970), témoignage d’un des trois rescapés du procès Slánský, Artur London et de sa femme Lise London. Après la chute du communisme, la redécouverte des archives filmiques du procès Horáková en 1990 livra une profusion d’images qui offrit d’autres visages que celui de Slánský ou d’Yves Montand (jouant London) pour rappeler ces procès. La découverte de celles du procès Slánský, près de vingt ans plus tard, ne fit qu’accentuer l’intérêt très vif des historiens ou des documentaristes pour ce type de sources. La valorisation intense des ressources audio-visuelles des procès Horáková et Slánský après 1989 contraste avec l’usage qu’en firent les communistes en 1950 et 1952. Le changement de contexte politique après 1989 ne peut à lui seul expliquer l’ampleur de ce contraste. L’objectif de cet article est d’éclairer les raisons des usages et non-usages des sources filmiques de ces deux procès depuis les années 1950 jusqu’à aujourd’hui. Dans une première partie, c’est la place assignée au cinéma dans les procès à grand spectacle qui est interrogée. En revenant sur les dispositifs concrets de médiatisation de ces deux procès, il s’agit d’identifier la place qu’y occupèrent les différents médias et, à travers eux, de mesurer l’impact du texte, du son et de l’image dans de tels dispositifs. Dans une deuxième partie, après un rappel des conditions dans lesquelles les traces filmiques des deux procès ont été redécouvertes après 1989, c’est le processus de réappropriation de ces images qui est étudié, mais surtout leur contenu concret, afin de comprendre la façon dont elles ont été tournées et montées avant d’être soustraites aux regards. Une troisième partie interroge les raisons d’une si longue occultation de ces sources audio-visuelles. Il s’agit d’essayer de comprendre pourquoi ces images sont restées cachées si longtemps, y compris dans les périodes de révision ou du dégel, quand tant d’autres documents avaient refait surface et avaient circulé plus ou moins librement.