30 mai 2019
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Martine Charbonnier-Lambert, « Un message oblique sous la croisée d’ogives ? La cathédrale d’Amiens sous le regard de Walter Pater et de John Ruskin », Polysèmes, ID : 10.4000/polysemes.5182
À l’heure du renouveau gothique dans l’Angleterre victorienne, John Ruskin et Walter Pater s’interrogent sur la dimension esthétique, sociale et spirituelle des cathédrales, et ils voient en Amiens le chef-d’œuvre de l’art ogival. Par l’intermédiaire d’arcs-boutants et d’arcs brisés, elle s’élève et s’ouvre à la lumière, appelant à un renouveau de la foi et à l’éveil des sens. L’article propose une lecture croisée de La Bible d’Amiens, publiée par Ruskin en 1881, et de l’essai « Notre-Dame d’Amiens », dans lequel Pater, treize ans plus tard, offre à ce dernier une réponse à la fois admirative et contradictoire, sans oublier un troisième regard, celui de Viollet-le-Duc dont le Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle sert de référence aux deux auteurs. Les deux interprétations divergentes de l’art gothique illustrent aussi un débat intellectuel au cœur de la société victorienne gagnée par le relativisme et le doute à l’heure de l’avancée des sciences et des techniques. Alors que Ruskin voit en la cathédrale d’Amiens l’expression de l’esprit chrétien redécouvrant la nature comme création, Pater la célèbre comme illustration d’un naturalisme païen qui, dans l’oblique de l’ogive, vient renouveler l’art et les sens. Le style gothique témoigne de l’avènement de la Renaissance en plein cœur du Moyen Age. Les deux interprétations de la statuaire, illustration des vertus et vices chrétiens selon Ruskin ou émanation d’une philosophie scolastique héritée d’Aristote chez Pater, montrent en particulier comment la cathédrale-« Bible » d’Amiens tend à l’universalité et incite à une réflexion spirituelle et morale à l’époque victorienne.