18 décembre 2020
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Oriane Monthéard, « Exception et imitation dans Gemma Bovery de Posy Simmonds », Polysèmes, ID : 10.4000/polysemes.8358
D’un genre quasi inclassable, Gemma Bovery emprunte à la bande dessinée et au roman, voire au texte illustré, tout en intégrant collages et extraits littéraires. Le mode narratif est également original, car il conjugue le discours de la confession à celui de la biographie fabriquée. Au-delà de ces caractéristiques qui conduisent à des dispositifs visuels et narratifs peu communs en bande dessinée, l’idée de l’exception innerve l’œuvre à travers le rapport complexe au modèle, qu’il soit social, littéraire ou pictural. En jouant sur les différents sens et usages de l’image, Posy Simmonds construit des personnages graphiques à la fois banals et hors du commun : bien que soumis à un destin médiocre, car ils s’efforcent d’imiter des modèles sociaux-culturels préexistants sans parvenir à les égaler, ils sont transfigurés par le regard du narrateur qui les associe au roman de Flaubert. Mais le regard sans cesse satirique sur le narrateur et son récit remet en cause le statut de ces personnages supposément d’exception. Le geste de l’imitation est aussi un élément qui structure ce roman graphique : l’adaptation en bande dessinée prend la forme d’une transposition burlesque du chef-d’œuvre, mais donne en même temps naissance à une œuvre au fonctionnement autonome et qui accorde au roman flaubertien une présence graphique. Ainsi Posy Simmonds refuse-t-elle de soumettre son œuvre au modèle romanesque tout en tissant des liens avec lui. Plus généralement, le rapport à la culture vue comme légitime est un élément déterminant dans Gemma Bovery, car l’auteur y revendique son droit de mélanger les genres et les valeurs culturelles pour inventer sa propre singularité.