8 avril 2015
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Roselyne Koren, « Pérégrinations d’une analyste du discours en territoire éthique : la prise de position dans tous ses états », Pratiques, ID : 10.4000/pratiques.2358
Cette contribution a pour objet la reconstitution d’un parcours épistémologique personnel. Il s’agit d’y présenter et d’y justifier les pérégrinations d’une linguiste, analyste du discours et de l’argumentation, en territoire éthique. Et par territoire éthique on entendra espace de délibération interactif où le sujet et son interlocuteur s’interrogent sur des questions existentielles, sur ce qui fait sens pour eux, et tentent de vérifier la rationalité et la légitimité de leurs dires respectifs au prisme du regard critique de l’Autre. Ce parcours a pour origine un sentiment de manque dû au silence de la plupart des chercheurs en sciences du langage, en France, sur la dimension axiologique des discours sociaux et sur une fonction fondamentale de nos prises de parole : évaluer, juger, justifier nos prises de position et nos décisions. Ce silence a suscité un désir personnel de contestation ayant pour fin de revaloriser le jugement de valeur. Il s’agit de montrer que l’argumentation de valeurs autres que la vérité référentielle peut remplir une fonction tout aussi fondamentale et rationnelle que le raisonnement more geometrico. Le langage ne médiatise-t-il que des informations établissant des évidences ? Ne sert-il qu’à gérer des rapports de domination et d’influence ? Seul compterait, éventuellement, dans une perspective pragmatique, le « commitment to truth », ce qui ne résout pas la question de la responsabilité énonciative du sujet énonçant explicitement ou implicitement des jugements sans rapport avec le couple notionnel vrai/faux. Les étapes successives des pérégrinations analysées dans cette contribution seront donc les suivantes : évocation de rencontres disciplinaires ou interdisciplinaires avec des travaux de recherche, à rebours des doxas objectivistes (travaux de C. Kerbrat-Orecchionni, de Ch. Perelman, d’O. Reboul, de R. Boudon, etc.). Ces travaux m’ont permis de penser la dimension axiologique du langage et de formuler des hypothèses explicatives sur la sacralisation du vrai et la méfiance frileuse à l’égard de tout ce qui touche de près ou de loin à la mise en mots de valeurs autres que le vrai ; je problématiserai ensuite la question de l’objectivité, mais aussi de la responsabilité dans le langage et j’explorerai l’intrication de la prise en charge du vrai et du juste ou du bien dans le discours et donc de l’unification de deux régimes de rationalité parfaitement compatibles dans le système du langage. Je passerai ensuite de la théorie à la pratique afin de prouver l’existence de cette intrication dans la trame d’un texte publié sur le net. Ce parcours s’achèvera néanmoins par la brève évocation d’une dernière pérégrination consacrée à l’éthique du chercheur en sciences du langage et à la mise en question du dogme de la neutralité : si le chercheur est inéluctablement comme tout locuteur un sujet d’énonciation, peut-il et doit-il renoncer à toute forme de prise de position quel que soit son objet ? Un engagement éthique épistémique est-il impossible ?