25 mars 2020
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Marie Hirel, « Le jeu des illusions : discrimination entre apparence et réalité chez les primates », Revue de primatologie, ID : 10.4000/primatologie.4056
La perception est un processus indispensable pour recueillir des informations sur notre environnement physique et social, et ajuster notre comportement aux changements de notre milieu de vie. Or, nous sommes tous les jours confrontés à des situations ambiguës, comme le cas des illusions visuelles, où les choses paraissent différentes de ce qu’elles sont en réalité. De nombreuses études ont démontré que les primates non humains et l’humain partagent une sensibilité aux illusions mais qui diffère entre les espèces selon les caractéristiques et la disposition des éléments visuels, mettant alors en évidence des différences interspécifiques dans l’organisation perceptuelle des stimuli visuels. Outre le fait d’y être sensible, être capable de comprendre quand une perception erronée peut nous amener à mal interpréter notre environnement, et par là même à émettre un comportement inadapté, confère un avantage évolutif évident. Se rendre compte que ce que l’on perçoit de notre environnement peut différer de la réalité correspond ainsi à la capacité de discriminer l’apparence de la réalité. La discrimination apparence-réalité apparaît importante socialement puisque nous pouvons être trompés par les informations que nous recevons d’individus ou d’actions dans des interactions sociales complexes. Certains considèrent ainsi cette capacité comme un prérequis au développement d’une « Théorie de l’esprit », c'est-à-dire la capacité à attribuer des états mentaux à soi-même et à autrui. Malgré son importance écologique et sociale indéniable chez les primates, la discrimination apparence-réalité n’a suscité l’intérêt que des psychologues du développement qui nous ont apporté de précieuses informations sur son ontogénèse chez l’enfant. Ce n’est que très récemment que quatre études ont été réalisées chez des primates non humains et leurs résultats montrent que ces espèces sont capables elles aussi de discriminer l’apparence de la réalité. Ces résultats prometteurs sont un premier pas dans la recherche sur l’origine évolutive de la discrimination apparence-réalité mais nos connaissances actuelles sur le sujet sont encore très limitées. Il apparaît donc aujourd’hui nécessaire de multiplier les études, avec d’autres espèces de primates non humains, afin d’apporter de nouveaux éléments sur cette capacité et, plus généralement, sur l’évolution de la cognition des primates.