10 décembre 2020
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Nathan Cazelles-Durand et al., « Première observation d’un comportement de Leaf Swallowing chez des chimpanzés vivant en captivité à la Réserve Africaine de Sigean, France », Revue de primatologie, ID : 10.4000/primatologie.8231
Le Leaf Swallowing (LS) consiste en une consommation atypiquement lente de feuilles souvent rugueuses, qui sont roulées et avalées, une par une, sans mastication. Cette consommation favoriserait l’expulsion de parasites intestinaux et/ou augmenterait le transit intestinal. Nous rendons compte ici de l’observation de ce type de comportement dans une population de chimpanzés (Pan troglodytes) vivant en captivité à la Réserve Africaine de Sigean (RAS), en France. Nous avons proposé à neufs chimpanzés des feuilles lisses et non rugueuses de platane (Platanus hispanica) et des feuilles rugueuses et poilues de mûrier noir (Morus nigra). Cinq des chimpanzés ont réalisé un comportement de LS avec les feuilles rugueuses de mûrier noir. Ces individus étaient présumés naïfs pour le LS car ce comportement n’avait jamais été observé dans cette population avant ladite étude. L’apparition ici du comportement de LS chez des individus naïfs appuie la théorie d’une prédisposition à la réalisation de LS avec des feuilles rugueuses, probablement par apprentissage individuel. Nous relevons aussi le rôle important de l’apprentissage social (facilitation et imitation) dans la diffusion de ce comportement au sein du groupe car nous avons observé des modifications du comportement face aux feuilles de mûrier noir, passant du rejet ou d’une consommation de type alimentaire, à du LS après observation d’un congénère démonstrateur de LS. L’observation d’une consommation en LS dans cette population de chimpanzés sains (non parasités et sans inconfort intestinal notable) soutient l’hypothèse que le LS provient d’un comportement d’alimentation opportuniste des primates dans la nature et non d’une connaissance innée de la propriété thérapeutique de cette forme de consommation. Le LS serait simplement une réaction spontanée face à une rugosité peu familière des feuilles. L’apparition de LS avec des feuilles de M. nigra, alors que des feuilles de cette même espèce n’ont pas donné lieu à du LS dans une précédente étude, nous permet d’infirmer l’hypothèse de l’existence d’une rugosité seuil, commune à tous les chimpanzés, qui déclencherait de manière systématique un comportement de LS.