« Ils sont terrifiés par la médecine occidentale »

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Les discours accusatoires sont une dynamique récurrente dans l’histoire des épidémies. Si les études sur le sujet ont tendance à recenser des figures du blâme et montrer en quoi leur accusation renforce des enjeux sociaux préexistants, cette recherche ajoute une perspective complémentaire à ce corpus d’écrits en analysant le travail rhétorique de la production du blâme. À partir du concept de cadres, elle s’intéresse aux logiques argumentatives sous-jacentes aux accusations déployées dans le débat thanatologique lors de l’épidémie Ebola 2013-2016. Notre analyse des commentaires sur Facebook et Twitter indique que cinq cadres accusatoires justifient le déploiement de discours entourant les pratiques funéraires traditionnelles : l’opposition religion – science; l’inaction et l’irresponsabilité; les cultures locales/africaines; la corruption; et la pauvreté. Ces cadres sont appuyés par les autorités sanitaires et les médias, dont les discours sont remis en circulation par les usagers de médias sociaux afin de justifier leurs arguments accusatoires. L’analyse montre que l’usage de ces schèmes et le choix de figures du blâme privilégiées varient selon l’ancrage géographique des usagers de médias sociaux. Une lecture transversale des résultats indique que les cadres accusatoires mobilisent l’« irrationalité » des accusés, et qu’ils ciblent des figures récurrentes, notamment le continent africain et ses habitants. Nous émettons l’hypothèse que ces discours réarticulent des normes et craintes qui vont au-delà de la peur de la maladie et de l’Autre. Ils sont aussi ancrés dans des frustrations préexistantes et réarticulent une préoccupation contemporaine à l’égard de la « désinformation ». En guise de conclusion, nous suggérons des pistes de réflexion pour les stratégies de communication en ligne.

Accusatory discourses are a recurring dynamic in the history of epidemics. Previous studies tend to explore figures of blame and show how their accusation reinforces social issues. This research adds a complementary perspective to this body of work by analysing the rhetorical work associated with the production of blame. Drawing on the concept of frames, it is interested in the argumentative logics underlying the accusations circulating in the thanatological debate during the 2013-2016 Ebola epidemic. Our analysis of comments published on Facebook and Twitter indicates that five accusatory frames justified the use of accusatory discourses surrounding traditional funeral practices: a religion-science opposition; inaction and irresponsibility; local/African cultures; corruption; and poverty. These frames are sustained by health authorities and the media, because social media users share and rely on both institutions’ discourses to justify their accusatory arguments. Our analysis shows that the use of these frames and the chosen figures of blame vary according to social media users’ geographical ties. A transversal reading of the results indicates that the accusatory frames argue the “irrationality” of the accused, and that they target recurring figures of blame, namely the African continent and its inhabitants. We postulate that these discourses rearticulate norms and preoccupations that are beyond the fear of the disease and of the Other. They are also situated in pre-existing frustrations and rearticulate a contemporary preoccupation relating to “disinformation”. In conclusion, we present points for reflection to improve online communication strategies.

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