21 mai 2021
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Mélissa Roy, « « Ils sont terrifiés par la médecine occidentale » », RESET, ID : 10.4000/reset.3190
Les discours accusatoires sont une dynamique récurrente dans l’histoire des épidémies. Si les études sur le sujet ont tendance à recenser des figures du blâme et montrer en quoi leur accusation renforce des enjeux sociaux préexistants, cette recherche ajoute une perspective complémentaire à ce corpus d’écrits en analysant le travail rhétorique de la production du blâme. À partir du concept de cadres, elle s’intéresse aux logiques argumentatives sous-jacentes aux accusations déployées dans le débat thanatologique lors de l’épidémie Ebola 2013-2016. Notre analyse des commentaires sur Facebook et Twitter indique que cinq cadres accusatoires justifient le déploiement de discours entourant les pratiques funéraires traditionnelles : l’opposition religion – science; l’inaction et l’irresponsabilité; les cultures locales/africaines; la corruption; et la pauvreté. Ces cadres sont appuyés par les autorités sanitaires et les médias, dont les discours sont remis en circulation par les usagers de médias sociaux afin de justifier leurs arguments accusatoires. L’analyse montre que l’usage de ces schèmes et le choix de figures du blâme privilégiées varient selon l’ancrage géographique des usagers de médias sociaux. Une lecture transversale des résultats indique que les cadres accusatoires mobilisent l’« irrationalité » des accusés, et qu’ils ciblent des figures récurrentes, notamment le continent africain et ses habitants. Nous émettons l’hypothèse que ces discours réarticulent des normes et craintes qui vont au-delà de la peur de la maladie et de l’Autre. Ils sont aussi ancrés dans des frustrations préexistantes et réarticulent une préoccupation contemporaine à l’égard de la « désinformation ». En guise de conclusion, nous suggérons des pistes de réflexion pour les stratégies de communication en ligne.