Re-composer avec l’usure du temps

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30 novembre 2021

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nosographie Alzheimer vieillesse folie identité stratégies de coping normes nosography Alzheimer old age madness identity coping strategies norms


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Sylvie Sanchez, « Re-composer avec l’usure du temps », Revue des sciences sociales, ID : 10.4000/revss.7539


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  • 10.4000/revss.7539
  • 10.4000/anthropologiesante.2974

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Amener à la vie ou l’en exclure, c’est là un des pouvoirs magistraux des mots. Lorsque ces mots ressortissent de la nosographie et qu’ils désignent les usures liées au temps, celles de la vieillesse et de la sénescence, ils nous font pénétrer dans les territoires redoutés de la dégénérescence cognitive. La maladie d’Alzheimer, telle qu’elle est médiatiquement présentée, en est une expression qui réunit toutes les craintes liées au vieillissement et à la folie. De fait, dans les représentations partagées, s’en voir attribuer l’étiquette diagnostique, c’est courir un risque majeur : celui d’être dépossédé de son dernier cycle de vie. Comment les individus composent-ils avec cette crainte ? C’est la question initiale qui a présidé à l’enquête anthropologique dont nous présentons ici quelques résultats. Menée en France sur la base de quatorze entretiens individuels conduits auprès de fils et de filles de parents âgés touchés par la maladie d’Alzheimer, elle dévoile les stratégies déployées par ces accompagnants pour tenir à la marge l’étiquette diagnostique au profit d’un « diagnostic maison » dont l’objectif central, loin de signer un déni de la maladie, est de préserver l’identité du vieux parent et de le maintenir dans le cours de sa vie habituelle. Il s’agit de renormaliser ce qui prendrait les tours d’un écart trop important à la norme dominante d’un « bien vieillir » à peine altéré et en pleine santé, en se glissant dans une catégorie socialement admise : celle de l’usure et de ses degrés. Nous montrerons que ce diagnostic repose sur l’attribution d’étiquettes librement choisies qui se substituent les unes aux autres au fil de la progression des altérations rendues acceptables, car pensées et nommées autrement, dissociées des catégories médicales dont on redoute qu’elles n’enferment le sujet au mieux dans un statut de patient, au pire de dément.

Bringing to life or excluding from life is one of the brilliant capacities of words. And when words originate in nosography and refer to the wear and tear of time—words of old age and senescence—they take us to the dreaded territories of cognitive degeneration. Alzheimer’s disease as it is presented in the media is an expression of this dread, which brings together all the fears related to ageing and madness. In commonly shared representations receiving the diagnostic label is therefore to run a major risk: that of being dispossessed of one’s last life cycle. How do individuals cope with this fear? This founding question presides over the anthropological study presented in this article. Conducted in France, based on fourteen one-to-one in depth interviews run with sons/daughters of aging parents affected by Alzheimer’s disease, it highlights the strategies deployed by these accompanying persons to keep the diagnostic label in the margins in order to build a “home-made diagnosis” whose central objective isn’t to deny the disease but to preserve the identity of the old parent and to keep them in their usual life course. It aims at renormalizing what might appear to be an excessive deviation from the dominant norm of “aging well”—barely altered and in perfect health—, by slipping into a socially accepted category: that of wear and its degrees. We will show that this diagnosis is based on the assignment of freely chosen labels that substitute each other as the mental alterations progress. Thus, these alterations are made acceptable because they have been thought and named differently, and dissociated from the medical categories that are feared because they would enclose individuals at best in a patient status, at worst in that of a madman.

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