28 mai 2021
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Katy Bernard, « Le Peire Rogier de Peire d’Alvernhe revisité par l’auteur de Flamenca : Guillem de Nevers, le troubadour au psautier », Revue des langues romanes, ID : 10.4000/rlr.4033
S’il a été établi que les paroles constitutives du dialogue amoureux entre les personnages du roman, Guillem de Nevers et Flamenca, prenaient leur source dans les vers de Peire Rogier (Ges non puesc en bon vers fallir, sixième cobla) ou encore dans ceux, inspirés du précédent, de Guiraut de Borneil (̶ Ai las, com mor ! – Quez as, amis ?), le lien entre Guillem de Nevers et Peire Rogier apparaît davantage évident si l’on prend en compte la vida de ce dernier ainsi que la cobla que lui consacre Peire d’Alvernhe dans sa chanson satirique Cantarai d’aqestz trobadors. Dans cette chanson, une partie du conseil de Peire d’Alvernhe à Peire Rogier – à savoir qu’au lieu de chanter l’amour devant tous, il devrait tenir un psautier à l’église ̶ resserre d’autant plus les liens entre le troubadour et le personnage du roman. Il semble que l’auteur de Flamenca se soit amusé à fondre dans son personnage le troubadour Peire Rogier afin de lui faire suivre les conseils de Peire d’Alvernhe mais en redirigeant la satire – qui visait le troubadour dans la chanson ̶ , vers la société religieuse et, en apparence, courtoise de son roman : il instaure un jeu particulièrement ingénieux autour de la symbolique du psautier et de celle de l’homme religieux. En effet, l’auteur s’amuse à faire de Guillem un clerc dont l’ordination n’a pas d’autre raison que l’amour qu’il éprouve pour Flamenca comme il s’amuse à faire du livre sacré le support où Guillem lit – par le biais de la bibliomancie – l’avenir de son amour avec Flamenca, le support par lequel les baisers de paix préfigurent les baisers amoureux, le support au-dessus duquel il échange les mots d’amour avec Flamenca. L’auteur s’ingénie ainsi à recouvrir les mots et les gestes sacrés par les mots et les gestes de la fin’amor afin de nous laisser entendre que le sacré est à trouver dans les valeurs de cette dernière qui elles-mêmes – puisque, dans cette société qui n’a de courtoise que le nom, elles ne peuvent s’accomplir que par la ruse et la dissimulation – n’ont peut-être pas d’autre avenir que dans les sphères de la fiction.