12 décembre 2020
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Sophie Bernard, « Des salariés déguisés ? L’(in)dépendance des chauffeurs des plateformes numériques », Sociologie du travail, ID : 10.4000/sdt.35722
Les chauffeurs des plateformes numériques sont-ils des travailleurs indépendants ou des travailleurs salariés ? À partir des résultats d’une enquête qualitative inédite auprès de ces travailleurs en France, cet article traite cette question d’un point de vue sociologique. S’il montre que le déploiement des plateformes s’accompagne d’une dégradation des conditions de travail et de rémunération des chauffeurs, il s’appuie sur une typologie en deux profils pour mettre au jour les dynamiques participant des transformations du secteur. Initialement majoritaires, les « chauffeurs héritiers de la grande remise » parviennent à se ménager des conditions de travail et de rémunération favorables grâce au développement d’une clientèle privée qui leur permet d’échapper à l’emprise des plateformes et de se réapproprier les conditions d’exercice de leur activité. Pourtant, la part de ces travailleurs indépendants a progressivement diminué au profit des « chauffeurs des applis » caractérisés à l’inverse par leur forte dépendance à l’égard des plateformes, et d’Uber en particulier. La position quasi-monopolistique de la plateforme sur le marché du transport avec chauffeur (VTC) favorise ainsi l’avènement et l’expansion d’une main-d’œuvre docile qui présente en outre l’avantage d’assumer les risques de l’activité.