« Queen Mother » Moore, une militante longtemps oubliée à l’origine des revendications pour les réparations aux États-Unis

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24 novembre 2021

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Olivier Maheo, « « Queen Mother » Moore, une militante longtemps oubliée à l’origine des revendications pour les réparations aux États-Unis », Esclavages & Post-esclavages, ID : 10.4000/slaveries.5215


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Cet article revient sur le parcours d’une militante africaine-américaine, « Queen Mother » Audley Moore (1898-1997). Nous proposons de montrer comment son parcours lui a permis de transmettre et de reformuler les revendications de réparations pour les anciens esclaves états-uniens, de la gauche marxiste états-unienne des années 1930 aux organisations nationalistes noires des années 1960. Nous nous appuyons sur différents entretiens enregistrés dans les années 1970-1980 dans le cadre des projets « Oral History of the American Left » et « The Black Women Oral History Project », ainsi que sur quelques témoignages de militants. Il faut noter la nature de ces sources, orales, qui est liée à la rareté des archives concernant les femmes, particulièrement celles des milieux populaires. Audley Moore, longtemps femme de ménage à Harlem, a été ignorée et marginalisée par la recherche jusqu’à une date récente. Dans un premier temps, nous présentons ses années de formation, sa jeunesse en Louisiane et son engagement précoce auprès de l’organisation nationaliste de Marcus Garvey, l’UNIA. Audley, qui n’a pas pu suivre d’étude, montre une énergie et une volonté inépuisable lorsqu’il s’agit d’impulser des mobilisations. Son action répond aux nécessités matérielles du moment ; elle entraîne avec elle d’autres femmes afin d’aider les domestiques noires comme elle, ou pour mobiliser les locataires. Elle s’inscrit ainsi dans un « féminisme de la communauté », qui démontre le rôle moteur des Africaines-Américaines dans les combats concrets de la minorité.Nous abordons ensuite son militantisme dans le Parti communiste de 1933 à 1950. Elle y trouve, au moins dans un premier temps, un soutien à la cause antiraciste et au droit à l’autodétermination des Noirs de la Black Belt. Elle soutient alors les différentes formes de demandes de réparations au titre de l’esclavage, revendications qui se multiplient après 1945. Cependant, l’évolution du Parti vers des thèses plus intégrationnistes la conduit à en démissionner en 1950 : par-delà ses affiliations successives, Audley Moore demeure fidèle au principe d’un combat autonome des Africains-Américains pour leur liberté, et aux convictions panafricaines de ses premières années auprès de Garvey.Dans les années 1950-1960, elle prend donc son autonomie politique et affiche des positions plus franchement apparentées au nationalisme noir. Elle participe à diverses organisations, qui sous une forme religieuse ou politique défendent le droit à l’autodétermination pour les Africains-Américains, et revendiquent des réparations pour les torts subis. Figure centrale de cette nébuleuse nationaliste qui prend son essor dans les années 1960, Audley Moore fonde différentes organisations et joue un rôle essentiel pour propager le thème des réparations en lui donnant une forme moderne. Au travers de ce parcours exceptionnel transparaît la continuité d’une tradition politique méconnue de la minorité noire : celle du nationalisme noir. Moore, avec près d’un siècle d’activités militantes, joue le rôle de passeuse. En réinterprétant et en adaptant des revendications anciennes, elle a contribué à faire des exigences des réparations de l’esclavage un sujet qui n’a jamais été autant débattu qu’aujourd’hui.

This article looks back at the life of African-American activist ‘Queen Mother’ Audley Moore (1898-1997). We propose to show how her path enabled her to transmit and reformulate demands for reparations for former American slaves, from the American Marxist left in the 1930s to the black nationalist organizations of the 1960s. We rely on various interviews recorded in the 1970s and 1980s within the framework of the projects ‘Oral History of the American Left’ and ‘The Black Women Oral History Project’, as well as on some testimonies of activists. It is important to note that these are oral sources, linked by their nature to the scarcity of archives concerning women, particularly those from working class circles. Audley Moore, a longtime housekeeper in Harlem, was until recently ignored and marginalized by research. First we present her formative years, her youth in Louisiana, and her early involvement with Marcus Garvey's nationalist organization, the UNIA. Audley, who had no formal education, showed inexhaustible energy and willingness when it came to mobilization. Her action responded to the material needs of the moment, and she took other women with her to help black domestic workers like her, or to mobilize tenants. Hers was thus part of a ‘community feminism’, which demonstrates the leading role of African-American women in the concrete struggles of the minority.We then turn to her militancy in the Communist Party from 1933 to 1950. There she found, at least initially, support for the anti-racist cause and the right to self-determination of the Blacks of the Black Belt. She then supported the various forms of demands for reparations for slavery, demands that multiplied after 1945. However, the evolution of the Communist Party towards more integrationist positions led her to resign from the party in 1950. Notwithstanding her successive affiliations, Audley Moore remained faithful to the principle of the autonomous struggle of African-Americans for their freedom, and to the pan-African convictions of her early years with Garvey.In the 1950s and 1960s she assumed her own political autonomy and took stands more overtly related to black nationalism. She participated in various organizations which defended the right of Afro-Americans to self-determination by religious or political means, and demanded reparations for the wrongs suffered. As a central figure of the constellation of nationalisms that flourished in the 1960s, Audley Moore founded a number of organizations and played a key role in spreading the call for reparations by giving it a modern form. The exceptional course of her life reveals the continuity of a little-known political tradition of the black minority, that of black nationalism. With nearly a century of militant activities, she plays the role of an intermediary. By reinterpreting and adapting old claims, she helped to make the demand for reparations for slavery a subject that has never been so much debated as it is today.

Este artículo repasa la trayectoria de una activista afroamericana, “Queen Mother” Audley Moore (1898-1997). Nos proponemos mostrar cómo su trayectoria le permitió transmitir y reformular las demandas de reparación para los antiguos esclavos estadounidenses, desde la izquierda marxista de los años 30 hasta las organizaciones nacionalistas negras de los años 60. Nos basamos en varias entrevistas grabadas en los años 70 y 80 como parte de la “Oral History of the American Left” y del “The Black Women Oral History Project”, así como en algunos testimonios de activistas. Es importante señalar la naturaleza de estas fuentes orales, vinculada con la escasez de archivos relativos a las mujeres, en particular las de los sectores populares. Audley Moore, por mucho tiempo encargada de limpieza en Harlem, fue ignorada y marginada hasta hace poco por la investigación. En nuestro artículo, presentamos primero sus años de formación, su juventud en Luisiana y su temprana participación en la organización nacionalista de Marcus Garvey, la UNIA. Audley, que no pudo continuar sus estudios, muestra una energía y una voluntad inagotables cuando se trata de impulsar movilizaciones. Su acción responde a las necesidades materiales del momento, y arrastra a otras mujeres con ella para ayudar a las trabajadoras domésticas negras como ella, o para movilizar a los inquilinos. Se inscribe, así, en un “feminismo de la comunidad”, que demuestra el protagonismo de las mujeres afroamericanas en las luchas concretas de la minoría. En una segunda parte, abordamos su activismo en el Partido Comunista desde 1933 hasta 1950. Allí encontró, al menos inicialmente, apoyo a la causa antirracista y al derecho de autodeterminación de los negros del Cinturón Negro. De este modo, apoyó las diversas formas de demandas de reparación relacionadas con la esclavitud, demandas que se multiplicaron después de 1945. Sin embargo, la evolución del Partido Comunista hacia tesis más integracionistas la llevó a dimitir del partido en 1950. De hecho, más allá de sus sucesivas afiliaciones, Audley Moore se mantuvo fiel al principio de una lucha autónoma de los afroamericanos por su libertad, y a las convicciones panafricanas de sus primeros años con Garvey.Así, en los años 50 y 60, Audley Moore afirma su autonomía política y muestra posiciones más abiertamente relacionadas con el nacionalismo negro. Participa en diversas organizaciones que, de forma religiosa o política, defienden el derecho a la autodeterminación de los afroamericanos y exigen reparaciones por los agravios sufridos. Figura central en esta nebulosa nacionalista, que empezó a cobrar fuerza en los años sesenta, Audley Moore fundó varias organizaciones y desempeñó un papel fundamental en la propagación del tema de las reparaciones, dándole una forma moderna. A través de esta trayectoria excepcional, aparece la continuidad de una tradición política poco conocida de la minoría negra: la del nacionalismo negro. Moore, con casi un siglo de actividades militantes, cumple un rol de puente entre las generaciones. Al reinterpretar y adaptar viejas reivindicaciones, ha contribuido a que la demanda de reparaciones por la esclavitud sea un tema que nunca antes se había debatido tanto como ahora.

Este artigo analisa a trajetória de uma militante afro-americana, Audley “Rainha Mãe” Moore (1898-1997). Pretende-se mostrar como ela conseguiu transmitir e reformular reivindicações de reparação para os antigos escravos norte-americanos, desde a esquerda marxista dos Estados Unidos na década de 1930 até as organizações nacionalistas negras da década de 1960.Consideramos várias entrevistas gravadas nos anos 70 e 80, que fazem parte dos projetos “Oral History of the American Left” e “The Black Women Oral History Project”, assim como alguns testemunhos de militantes. É importante notar a natureza destas fontes orais, que corresponde a falta de arquivos relativos às mulheres, particularmente das camadas populares. Audley Moore, empregada doméstica durante muitos anos em Harlem, foi ignorada e marginalizada pelos investigadores até pouco tempo atrás.Num primeiro momento, apresentamos seus anos de formação, sua juventude passada na Louisiana, e seu envolvimento precoce na organização nacionalista de Marcus Garvey, a UNIA. Audley, que não pudera continuar os estudos, mostrou uma energia e uma vontade incansável de mobilização. Sua atividade corresponde às necessidades concretas do momento, instigando por exemplo outras mulheres a ajudar empregadas domésticas negras como ela, ou mobilizando os inquilinos. Ela faz assim parte de um "feminismo da comunidade", demonstrando o papel de liderança das mulheres afro-americanas nas lutas concretas da minoria.Abordamos a seguir sua militância no Partido Comunista, entre 1933 e 1950. Ela encontrou aí, pelo menos no princípio, um apoio na luta contra o racismo e para o direito à autodeterminação dos Negros da Black Belt. Ela apoiou assim as diferentes formas de exigências de reparação pela escravidão, que se multiplicaram depois de 1945. No entanto, a evolução do Partido Comunista para teses mais integracionistas levou-a a sair do partido em 1950. De fato, para além das suas sucessivas filiações, Audley Moore permaneceu fiel ao princípio de uma luta autônoma dos Afro-Americanos pela sua liberdade, e às convicções pan-africanas dos seus primeiros anos com Garvey.Nos anos 50 e 60, ela assumiu sua autonomia política e defendeu posições mais abertamente relacionadas com o nacionalismo negro. Participou em várias organizações religiosas e políticas, que defendiam o direito à autodeterminação dos Afro-Americanos, e exigiam reparações pelos danos sofridos. Audley Moore é uma figura importante desta nebulosa nacionalista, que começou a tomar forma nos anos 60. Ela criou várias organizações e desempenhou um papel fulcral na difusão do tema das reparações, dando-lhe uma forma moderna.Através da trajetória ímpar de Audley Moore, percebe-se a continuidade de uma tradição política pouco conhecida da minoria negra, a do nacionalismo negro. Moore, com quase um século de atividade militante, desempenha o papel de mediadora. Ao reinterpretar e adaptar reivindicações antigas, ela contribuiu para fazer da exigência de reparações pela escravidão um assunto que nunca foi tão debatido como hoje.

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