30 novembre 2020
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Raphaële Bertho et al., « Jürgen Nefzger, activiste visuel sur le terrain de la tradition paysagère », Techniques & culture, ID : 10.4000/tc.14533
« Do we make places, or do they make us ? » (« Façonnons-nous les lieux, ou nous façonnent-ils ? »). C’est au prisme de cette formule de W.J.T. Mitchell que Raphaële Bertho propose d’analyser le portfolio réunissant des clichés réalisés par Jürgen Nefzger sur les installations liées au nucléaire en Europe. Englobant toutes les dimensions du vivant, de l’infiniment petit à l’échelle terrestre, l’énergie nucléaire reste pourtant hors de portée de la vision humaine comme de la vue photographique. Ne pouvant imager son sujet, se fonder sur le fait de le « donner à voir » littéralement, Jürgen Nefzger déploie son « activisme visuel » sur le terrain de la visualité elle-même. L’historienne commente ainsi la manière dont le photographe joue et déjoue les régimes scopiques qui fondent notre modernité, s’en approprie les codes pour mieux venir les perturber puis s’en détourner. Dans un premier temps, il s’installe dans la tradition visuelle paysagère et l’occupe afin d’en défendre une perception renouvelée avec la série Fluffy Clouds. Puis, avec Bure, ou la vie dans les bois, le terrain d’engagement du photographe n’est plus seulement celui des images mais bien celui de la lutte militante. Passant de la mise en scène de l’ingénierie étatique de l’aménagement du territoire européenne de la seconde partie du xxe siècle au mouvement de contestation, de la fissure de l’atome aux sites d’enfouissement des déchets, le photographe interroge profondément le « partage du sensible » et engage en acte une autre pensée de notre rapport au monde.