28 septembre 2017
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Isabelle Ratié, « Scholasticism and Philosophy: on the Relationship between Reason and Revelation in India », ThéoRèmes, ID : 10.4000/theoremes.1166
La scolastique médiévale européenne s'est beaucoup préoccupée d'accorder raison et révélation, notamment en cherchant à définir le rapport de subordination de la première à la seconde. De cette tension entre le poids de l’autorité scripturaire et l’aspiration à l’indépendance de l’enquête rationnelle a finalement émergé en Europe un champ philosophique autonome, libéré de toute allégeance à une parole révélée – ou du moins se présentant comme tel – et fustigeant la « méthode scolastique ». En Inde, rien de tel : le champ philosophique est demeuré essentiellement scolastique au sens notamment où la plupart des systèmes philosophiques indiens n’ont pas cessé d’admettre les Écritures (āgama) au rang des moyens de connaissance valide, et bien souvent, d’affirmer leur suprématie sur la raison et l’expérience. Pourtant, de même que la scolastique européenne ne se limite pas à l’image qui s’est imposée d’elle depuis Descartes, le rapport entre autorité scripturaire et enquête rationnelle en Inde est bien plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. C’est avant tout pour défendre la validité de leurs Écritures que différents courants religieux indiens se sont affrontés sur le terrain philosophique ; mais paradoxalement, cette intention apologétique a conduit les champions de ces divers courants à mettre de côté l’autorité de leurs propres Écritures. L’article, qui met en évidence cet étrange processus d’émancipation philosophique né de considérations apologétiques et nourri par celles-ci, compare deux définitions en apparence diamétralement opposées de la relation entre raison et révélation – celle du bouddhiste Dharmakīrti et celle du śivaïte non dualiste Utpaladeva – afin de montrer que si le champ philosophique indien n’a jamais acquis l’autonomie vis-à-vis de tout discours révélé qui a caractérisé la philosophie occidentale à partir du xviie siècle, il s’est développé dans une constante tension créatrice entre acceptation et rejet de l’autorité scripturaire.