11 octobre 2019
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Dominique Bourel, « La traduction comme rédemption », Tsafon, ID : 10.4000/tsafon.1745
Parmi les multiples traductions de la Bible des temps modernes, deux versions allemandes s’imposent par leur qualité intrinsèque et leur valeur mythique : celle de Moses Mendelssohn, au XVIIIe siècle, et celle de Martin Buber et Franz Rosenzweig, au XXe siècle. En réalité les deux projets sont opposés : Mendelssohn (1728-29/1786) veut travailler à l’émancipation des juifs en Europe et, dans son cas précis, en Allemagne. Aussi il traduit le Pentateuque en hochdeutsch (haut allemand), mais avec des caractères hébraïques afin que les juifs puissent apprendre cette langue du pays dans lequel ils voulaient s’intégrer. La traduction commencée en 1778 parut à Berlin entre 1780 et 1783. Il n’hésita pas à utiliser les traductions chrétiennes, surtout celles de Luther et de Calvin. Outre cette double novation, Mendelssohn s’entoura de quelques collaborateurs pour mener à bien un commentaire (Be’ur), en hébreu celui-là, dans lequel étaient explicités les choix de traduction. La recherche récente a fait des progrès significatifs dans l’intelligence de cette entreprise. Martin Buber (1878-1965) et Franz Rosenzweig (1886-1929) s’attelèrent à une traduction visant l’effet inverse : faire entendre dans l’allemand un peu de l’hébreu disparu dans la perception de la Bible par les chrétiens, médiatisée en Allemagne par Luther et Bach. À partir de 1925 jusqu’à la mort de Rosenzweig (1929), les volumes, sans commentaires, offraient une nouvelle traduction qui fut un événement, abondamment discuté, dépassant de beaucoup le public juif cultivé. Buber l’acheva seul à Jérusalem en 1961, suscitant un des plus beaux textes de Scholem qui se demandait alors qui, à cette date, pourrait lire cette traduction, et si elle n’était pas une épitaphe d’un monde disparu.