2006
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Cinémas : Revue d'études cinématographiques ; vol. 17 no. 1 (2006)
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Emmanuelle Dyotte, « Déplacements. Pour une circulation de l’expérience : autour de Sans soleil de Chris Marker », Cinémas: Revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, ID : 10.7202/016323ar
Le présent article propose de réexaminer le film Sans soleil (Chris Marker, 1982) sous l’angle de la position théorique mise en place par la figure du flâneur de Walter Benjamin, qui illustre l’expérience d’une pratique active de la mémoire à travers le déplacement dans l’espace. Cette relecture s’appuie sur des théories élaborées dans le champ de l’anthropologie contemporaine, dressant le portrait d’un nouveau rapport à l’espace, caractéristique de la situation politique occidentale actuelle. Cette situation met en place des possibilités de rencontres qui s’articulent sur une relation contingente à l’espace plutôt qu’au temps ou au récit, reconfigurant aussi le rapport à l’identité. Les images du film de Marker proposent une nouvelle expérience des espaces qui bouleverse notre regard souvent « touristique » sur le monde extérieur. L’étude de Sans soleil permet également d’aborder la notion de rencontre selon deux perspectives différentes. D’une part, le film aborde le problème du désir de rencontre et du constat de l’impossibilité de sa réalisation, thème qui se manifeste dans la relation de la narratrice et du voyageur Krasna. Mais, d’autre part, la rencontre est parfois représentée comme possible, certaines des images éparses qui composent le film donnant à voir des formes particulières de relations aux espaces, qui permettent d’établir un certain rapport avec ceux qui les habitent ou les ont habités. Ainsi, à la lumière des problématiques abordées par l’anthropologie contemporaine et de la figure du flâneur de Benjamin, le rapport à l’espace tel qu’il est représenté dans Sans soleil nous invite à repenser les notions d’expérience, de corps, de relation et d’identité.