2008
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Études françaises ; vol. 44 no. 3 (2008)
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Pierre Popovic, « La métamorphose des oxymores. Le résumé de l’étape par Henri Desgrange et Albert Londres », Études françaises, ID : 10.7202/019536ar
L’idée de faire le tour d’une chose, d’une question, d’un pays est en soi aporétique et illusoire. On ne fait en fait jamais qu’un tour parmi une infinité d’autres possibles en sorte que faire le tour suppose toujours des choix, des renoncements, des ellipses, un art de la synecdoque et, surtout, une façon de décréter que tel itinéraire ou que tel inventaire constitue une partie exemplative d’un grand tout dont il est à la fois le sous-produit et la quintessence temporaire. Pour le dire autrement : faire le tour implique une poétique narrative. Le Tour de France cycliste — précédé par d’autres « tours de France » célèbres (des monarques et des gouvernants, de « deux enfants », de Flora Tristan, des premiers enquêteurs sociologiques) — n’échappe pas à cette règle. Des débuts en 1903 jusqu’à aujourd’hui, les chroniqueurs de « la Grande Boucle » ont développé maintes formes destinées à rendre compte au mieux de la course et à transformer le périple des « forçats de la route » en événement. En prenant pour corpus des textes de deux des plus illustres commentateurs du Tour, son fondateur Henri Desgrange et Albert Londres, l’étude dégage les ressources rhétoriques, narratives, intertextuelles et interdiscursives mobilisées par « le récit de l’étape » avant de montrer que ce récit serait illisible s’il ne se fondait dans l’horizon d’un imaginaire social particulier.