1988
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Historical Papers ; vol. 23 no. 1 (1988)
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Nicholas Rogers, « The Gordon Riots Revisited », Historical Papers / Communications historiques, ID : 10.7202/030979ar
Les protestations au Catholic Relief Act (loi de réhabilitation des catholiques) de 1778ont suscité en Grande-Bretagne les émeutes et les polémiques les plus violentes duXVIIle siècle, dont les Gordon Riots en 1780. Elles ont donc donné naissance àdifférentes interprétations historiques. Les premières études ont exagéré le manque dematurité politique et les vieux préjugés de secte du peuple, ainsi que l'anarchie et ladégradation des troubles eux-mêmes. Mais George Rude soutient, dans une premièrerecherche sur les mouvements de foule britanniques, que l'agitation a été mieuxordonnée et réfléchie que ne l'ont pensé les historiens. En replaçant les troubles dans lecontexte d'un mouvement radical d'ensemble. Rudé retrace dans la rébellion qui a suivila loi de réhabilitation des catholiques le radicalisme de l'Association protestante fondéeà Londres et l'esprit anti-autoritariste naturel à l'Anglais de naissance. D'abord dirigéecontre les églises et les écoles catholiques, l'agitation aurait dégénéré en révolte socialecontre la richesse et la propriété.Notre interprétation est différente. Comme Rudé, nous croyons que les rébellionsétaient souvent inspirées par l'Association protestante et qu'elles s'accompagnaient debeuveries et d'une atmosphère quasi-de-fête. Néanmoins, elles constituaient uneprotestation organisée contre la communauté catholique et le Parlement qui résistait à lapression populaire. En effet, l'élude de cas montre que les protestataires ne frappaientpas aveuglément, qu'ils s'attaquaient aux églises, aux maisons et aux écoles catholiquesde même qu'aux propriétés de ceux qui soutenaient la loi de réhabilitation. Le saccagedes prisons et des distilleries s'éloignait de l'objectif premier mais on a pu en exagérer lecaractère violent et désordonné. D'autre part, on ne peut affirmer avec certitude que lesGordon Riots (troubles de Gordon) aient été un mouvement social contre les riches.Même s'il y avait parmi leurs victimes un nombre considérable de catholiques notables etdes membres du Parlement qui supportaient la loi, les rebelles voulaient d'aborddéstabiliser la communauté catholique et intimider le Parlement. Afin de bien atteindrece but, ils lui donnèrent certains aspects d'un mouvement de protestation sociale. Dansl'atmosphère carnavalesque de l'événement, ils jetèrent parfois du ridicule sur lahiérarchie sociale. Bien plus, le sac des prisons, dans l'intention d'en délivrer les rebellesemprisonnés, montra une sorte de mépris à la Bertold-Brecht pour le système carcéral etla loi en général. Mais dans les derniers soubresauts de la rébellion, l'hostilité sociale de lafoule était locale et bien définie. Elle était dirigée contre le racolage des marins,l'emprisonnement pour dettes et le péage sur les ponts. Ainsi donc, il s'agissait d'unsoulèvement contre certains usages précis et non pas d'un soulèvement social généralisé.Les troubles n'étaient pas, non plus, intimement associés au radicalisme politique.Même si certains radicaux de Londres sympathisèrent avec les protestataires au débutdes troubles, d'autres, sous l'influence de la Philosophie des Lumières, s'y opposèrentclairement. En fait, plusieurs s'inquiétèrent profondément des événements, craignantque les excès commis ne compromettent les mouvements de masse en général.Fondamentalement, les réactions à la loi brisa l'alignement politique traditionnel.Idéologiquement, l'Association protestante a été remarquablement opportuniste,cherchant l'appui des conservateurs pro-ministériels, bien qu'évangelistes, aussi bien quedes radicaux qui s'inquiétaient des accrocs à la liberté en Grande-Bretagne et enAmérique. Finalement, les protestations contres les catholiques en 1780 opposèrent uneélite sociale cosmopolite au peuple plus traditionnaliste qui craignait l'émancipation descatholiques. En somme, les Gordon Riots se sont nourris de sentiments populistes etnationalistes qui ne cadraient pas avec l'alignement politique conventionnel. Il reste à sedemander comment on pourrait concilier de telles forces dans le discours politiquecontemporain.