Histoire et panache dans le cinéma de Michel Audiard au tournant des années 1960 (1958-1964)

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2011

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Études françaises ; vol. 47 no. 1 (2011)

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Au tournant des années 1960, les films dialogués par Michel Audiard reposent sur une alliance détonante du panache et du trait d’esprit. Cette alliance relève-t-elle du modèle héroïque français, hérité de Rostand, mais accordé à celui de la Résistance qui fait un retour remarqué dans les films de guerre comiques et consensuels de cette époque ? L’objet de cet article est de montrer que le panache et le trait d’esprit qui caractérisent la verve dont Audiard gratifie tous ses personnages relèvent plutôt d’un souci de la sociabilité, à une époque où celle-ci a été considérablement fragilisée par les exactions et les hypocrisies de l’épuration, est menacée par l’impératif unanimiste entourant le retour du général de Gaulle au pouvoir en pleine crise algérienne, et transformée par le repli sur l’espace privé dû au mode de vie moderne qui s’impose à la fin des années 1950. Ce souci de la sociabilité place Audiard du côté des moralistes qu’il affectionne. Il faut rebâtir la sociabilité pour croire à nouveau aux liens possibles entre amis, voisins ou inconnus, tout en renonçant au modèle héroïque. L’alliance du panache et du mot d’esprit réintroduit la théâtralité perdue dans l’espace public dans les rapports privés tels qu’ils sont représentés dans les films, et permet de retrouver les plaisirs de la socialité. Les prouesses et les esbroufes verbales dramatisent les interactions et fabriquent une petite communauté de tiers qui inclut ou exclut le spectateur, témoin et juge du mot qui fait mouche. La communauté que créent ou projettent les films d’Audiard est associée au plaisir social du mot d’esprit (Freud) et surtout aux ridicules assumés collectivement. Parce qu’elle se forge dans l’échange, elle se limite à l’échange, sans considération d’un partage de valeurs qui fonde des communautés communiantes dont Audiard, Brassens et quelques autres de sa génération ont justement voulu que l’on se méfie.

In the early sixties, films featuring dialogue by Michel Audiard exploded with panache and wit. Was this exuberant combination a nod to the French heroic model, inherited from Rostand but tuned to that of the Resistance which made a comeback in comic and consensual war movies at the time ? This paper attempts to show that the snappy dialogue and wit that embue Audiard’s characters is more an appeal for sociability at a time when it had been much weakened by the abuses and hypocrisies of the “Épuration,” and was now threatened by the unanimous imperative of General de Gaulle’s return to power in the midst of the Algerian crisis, and the forceful changes in the private sphere of a modern lifestyle taking hold in the late fifties. This desire for sociability places Audiard alongside those moralists he admires. Sociability must be rebuilt to regain faith in the possible links between friends, neighbors and strangers, while abandoning the heroic model. The witty dialogue reintroduced a theatricality in the public space that had been lost, and in private relationships represented in films, thus revitalizing the pleasures of sociability. The verbal dexterity dramatizes interactions and produces a small community of others that includes or excludes the viewer, witness and judge of words that find their target. The community that Audiard’s films create or project is associated with the social pleasure of the joke (Freud) and especially the ridiculous borne collectively. Because it is forged through exchange, it is limited to exchange, regardless of the communities’ shared values which Audiard, Brassens and others of his generation viewed with suspicion.

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