2011
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Études françaises ; vol. 47 no. 2 (2011)
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Claude La Charité, « « Tous les livres du monde, excepté un » : L’influence d’un livre (1837), roman de la lecture », Études françaises, ID : 10.7202/1005656ar
Cet article propose de relire L’influence d’un livre (1837) de Philippe Aubert de Gaspé fils en tant que roman de la lecture qui problématise le rapport à l’écrit de la culture québécoise naissante. Tout le roman est en effet sous-tendu par deux pratiques de lecture concurrentes : la lecture intensive et la lecture extensive. Le protagoniste Charles Amand est le représentant par excellence de la lecture intensive, dévoyée, puisqu’il lit sans cesse Le Petit Albert. M. B***, prototype de l’homme des Lumières, est, quant à lui, l’incarnation de la lecture extensive, puisqu’il possède « tous les livres du monde, excepté un », allusion transparente à son adhésion à la libre-pensée qui n’a que faire de la Bible. Le futur gendre du protagoniste, Saint-Céran, est, lui, un lecteur mixte qui permettra à l’alchimiste raté de s’émanciper de la lecture servile et littérale de son grimoire grâce aux cadeaux qu’il lui offre à l’occasion de son mariage avec sa fille : le Dictionnaire des merveilles de la nature et une vingtaine de manuels des différents arts et métiers. Or, c’est dans ce don que réside l’explication de la conversion de Charles Amand à la lecture critique.